Ce deuxième tome, je l'ai feuilleté en librairie, mais ce que j'ai surtout lu ce sont les pages du blog ; je n'y avais plus été depuis un bout de temps (je pense que je n'avais lu que les deux premières histoires de la nouvelle autrice).


C'est marrant de décider de sortir ce projet peu de temps après l'affaire Weinstein, car ça donne l'impression que c'est plus dans le but de surfer sur une mode que dans celui de pointer le doigt sur une problème sociétal. Les auteurs en profitent, du coup, forcément. Mais bon, je les comprends et puis au moins ils parlent de leur sujet. Et ils vivent un peu de leur art. C'est surtout l'éditeur que je trouve un peu opportuniste.


Je me suis demandé à la relecture si j'avais été injuste avec le premier tome, si c'est une frustration ancrée au plus profond de moi qui m'aurait fait ne pas aimer les histoires. Surtout qu'à plusieurs reprises durant ma lecture de ce second tome (virtuel), je me suis dit : houla, les pauvres. Et c'est vrai que c'est assez dingue ce que certaines femmes peuvent subir de la part d'hommes, c'est même carrément intolérable. Mais cette relecture m'a également rappelé tout ce qui m'a posé comme problème dans le premier tome. Y a des choses mieux quand même. Mais y a aussi des choses pires.


Au niveau du message, ici, il s'agit clairement de foncer dans le tas, de dénoncer des comportements peu recommandables. Au final, on s'en fout un peu que ce soit de vrais récits ou pas. Surtout que, il faut bien le dire tout de même, nous ne dépendons que du point de vue de la 'victime'. Je sais que ça fait toujours mal à certains qu'on mette en doute la parole d'une victime, mais je pense qu'un témoignage, quel qu'il soit, doit être pris avec neutralité, car il pourrait être vrai ou faux. L'on me sortira des statistiques à la noix en faveur de l'un (le vrai) et puis un autre sortira d'autres statistiques qui paraissent aussi sérieuses en faveur de l'autre (le faux). Le plus simple et le plus honnête, est de prendre le tout de manière neutre, donc sans dévaloriser la victime potentielle mais sans non plus la croire sur parole. Parce que des gens qui racontent tout et n'importe quoi ça existe aussi, parfois en mentant consciemment, parfois en se prenant réellement pour une victime. Donc pour moi, ces récits ne sont pas vraiment à prendre au sérieux, car il n'y a pas de confrontations de points de vue ni d'éléments, juste quelqu'un qui a raconté une histoire, et quand on raconte, on enjolive forcément des éléments.


Mais c'est ça le but d'un bouquin, raconter une ou plusieurs histoires. En plus ici, les auteurs ont décidé de la jouer un peu plus nuancé, avec plus d'explications et des cas plus ambigus, on se sent donc moins dans l'accusation du premier tome. Cela reste encore timide mais c'est déjà pas mal. Mais en même temps ce choix ne fait que renforcer l'impression que cette représentation du crocodile est mal gérée. Parce que l'on voit des femmes agir comme ces crocodiles et pourtant garder un aspect humain ; c'est un peu incohérent voire bêtement sexiste (ils maintiennent que même si les femmes peuvent mal agir, les crocodiles restent et resteront les hommes). En même temps, cela a apporté une histoire plutôt sympa nous montrant un enfant se transformer en crocodile. Ce concept est donc traité de manière inégale, avec un peu de maladresse.


Les récits sont un peu répétitifs. C'est-à-dire qu'on a l'impression de lire plusieurs fois le même récit par moment, car le fond reste le même. Je ne sais pas si tous les récits du blog ont été mis dans ce second tome, je suppose que oui vu le peu de récits proposés. Ce qui est bien, c'est de vouloir étendre les thèmes : on touche ainsi aux soins obstétricaux et à la violence faite aux femmes. C'est bien parce que ça permet de varier et on découvre des choses assez hard (mais à nouveau à prendre avec des pincettes) ; mais en même temps l'autrice fait vite le tour de son sujet.... et ne parvient pas vraiment à apporter quoi que ce soit d'autre.


C'est comique parce que tant dans le bouquin que dans le blog, les deux auteurs expliquent que la présence de l'autrice est positif car elle va amener son expérience féministe. Ben elle n'apporte pas grand chose : ou bien elle reprend les thèmes abordés par Matthieu ou bien elle ressasse les mêmes sujets sur la grossesse et l'accouchement. Il faut aussi dire qu'elle n'est pas super douée : ses récits manquent parfois de clarté, la structure est bancale. En fait, tous les défauts narratifs du premier tome (des histoires mal construites), on les retrouve chez elle, alors que Matthieu semble avoir évolué et propose les meilleurs récits de l'album, car mieux construits. Pour certains, le fait de dénoncer suffit à faire une bonne histoire, pour moi il faut que les personnages, les situations, la structure soient solides, le sujet (le discours) n'est que secondaire. L'album aurait pu être un pamphlet pro-nazi ou comme ici anti-harcèlement, le résultat aurait été le même, les récits ne sont pas terribles en grand majorité.


Et puis j'ai aussi l'impression qu'on est hors sujet pour certains récits. Ainsi, peut-on vraiment considérer certaines de ces violences obstétricales comme étant sexistes ou du moins une forme de harcèlement ; ce que l'on voit, ce sont des gens qui font mal leur boulot, qui ne sont pas assez impliqués, pas assez sérieux, pas assez documentés, pas assez ouverts, pas assez curieux. Mais se borner à dire que c'est une violence faite parce que la victime est une femme, je trouve ça idiot. En fait, c'est un problème que j'ai avec le féminisme : quand je lis certains articles où les féministes dénoncent certains comportements, je me rends compte qu'en fait, ces comportements sont plus larges que ce qui est décrit, que ça ne concerne pas seulement les femmes ; certains féministes aiment se réapproprier des dérives sociétales, je trouve ça assez malsain et crétin.


Niveau graphisme, les auteurs ont beau utiliser une technique similaire, Juliette Boutant est également en dessous de l'autre auteur. Son dessin est plus basique et maladroit, son trait moins souple, son découpage pas toujours bien pensé, voire parfois confus. C'est même parfois un peu moche. Elle propose quelques idées visuelles intéressantes, mais elle n'arrive pas à créer un impact visuel marquant. Le dessin de Matthieu n'est pas extra non plus, ce n'est pas ce qui marque dans cet album, mais c'est plus maîtrisé. Disons que dans l'ensemble, c'est assez convenu, et que le seul élément qui ressort graphiquement, c'est le vert, et on s'en lasse vite, on l'oublie même, pareil pour la tête de croco.


Bref, ça se lit mais ça reste faible. Parce que le dessin n'est pas particulièrement intéressant, parce que les récits sont répétitifs

Fatpooper
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le 26 oct. 2019

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