Quand on est habitué aux aventures mouvementées de François Bourgeon, Le Sang des cerises surprend : nous ne sommes pas en période de conflit, de grands combats navals, ou de guerre de sécession. On est en 1885, et les évènements historiques les plus agités sont l'enterrement de Jules Vales ou quelques années après l'Exposition universelle.


Au bout de quelques pages, on se sent perdu comme Klervi, jeune bretonne arrivée à Paris plongée au milieu de parisiens qui parlent en argot d'évènements politiques et militaires qui semblent déjà très loin. Heureusement, Paris à la fin du XIXe n'est pas de tout repos, et cet album se fait un plaisir de nous plonger dans la vie des habitants de Montmartre, criante de vérité avec la reconstitution de l'époque qui fourmille de détails et nous perd dans les allées parisiennes.


La grande réussite de cet album qui veut nous parler de la tristement célèbre Commune c'est justement de ne nous la montrer qu'à travers les cicatrices qu'elle a laissées chez ses habitants. Allusions dissimulées de Zabo (héroïne des deux précédents tomes pleine de retenue), discussions de comptoirs des anciens insurgés, regards lourds de sens vers les autorités... Que reste-t-il d'une guerre civile quand l'histoire et la vie des parisiens doivent suivre leur cours ?


Le Sang des cerises est aussi bavard qu'il est riche en images, et pourtant, ce sont les non-dits qui fascinent le plus dans cette BD. Grâce à François Bourgeon, on a une vraie impression de plongée dans l'Histoire, dans son argot, dans ses difficultés et ses moments de vie, et c'est ce qui rend les massacres de la Commune plus réels, et les personnages plus authentiques.


Si l'on attend de revivre dans cette BD, la Semaine sanglante, les bagnes de Nouvelle Calédonie et la fracture de la France, il faudra attendre le prochain tome. Le Sang des cerises donne la priorité aux survivants, aux gens normaux qui poursuivent leur vie et leurs idées si hautes en couleur. C'est peut-être la meilleure façon de rendre hommage à une génération oubliée.

Ytterbium
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le 13 janv. 2019

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