Paru en France en 1978 aux éditions Lug, le Prince des Mers est constitué d’un one-shot suivi d’un arc consacré à Namor, le « Submariner ».
Le premier épisode fait partie de ces bouche-trous opportuns, destinés à devenir des classiques instantanés, qu'engendrait l'équipe mythique Lee/Kirby : une histoire simple, fondée sur des adversaires connus aux motivations basiques (se venger des FF) et qui ne laisse aucun répit aux héros. Malgré la propension de Stan the Man de faire commenter chaque action par les protagonistes, le récit se suit avec plaisir tant le rythme est soutenu alors que les attaques contre les Fantastiques se succèdent au point qu'ils doivent user de leurs pouvoirs d'une manière parfois peu conventionnelle, bien aidés par Crystal l'Elémentale inhumaine. Des ressorts naïfs mais une joie brute.
Les trois épisodes suivants forment un arc autour de Namor et de... Magneto qui va d'abord trouver protection en Atlantis avant de tromper la bienveillance du Prince des Mers afin d'ourdir son plan de conquête de la Terre et d'asservissement des humains ; un Magneto primaire et grandiloquent se revendiquant protecteur de tous les mutants (mais pas un seul membre de la Confrérie n'est présent dans l'histoire, et la mutanité de Namor n'est jamais évoquée). Sous les dessins de Kirby puis d'un John Romita encore balbutiant, l'épopée va très loin et développe ses ramifications d'une manière surprenante : les FF, mortifiés, doivent d'abord s'avouer vaincus et Reed Richards affirme davantage son statut de leader réfléchi en se donnant le temps de préparer une contre-attaque presque désespérée alors que les hordes d'Atlantis déferlent sur la Côte Est et que les armées américaines sont balayées par le terrifiant pouvoir du Maître du magnétisme. Une histoire forte où les caractères sont exacerbés, avec un Ben Grimm plus bougon que d'habitude, prompt à s’échauffer, commettant par son irascibilité jusqu'à un casus belli et remettant régulièrement en cause l'autorité et les décisions de Mr Fantastic. A l'inverse, Johnny Storm est nettement plus raisonnable que dans l'épisode précédent où il était prêt à provoquer un conflit ouvert avec les Inhumains : il suit sans (trop) protester les directives de son beau-frère qui s'assume tranquillement comme le dernier rempart contre le fanatisme. Si Susan (l'Invisible) demeure encore trop effacée, engoncée qui plus est dans son nouveau rôle de mère protectrice (le couple Reed/Susan se préoccupant systématiquement de la sécurité du bébé Franklin), Crystal a de quoi réjouir les détracteurs d'une image par trop rétrograde de la femme dans les comics : fière, forte, elle voit d'un mauvais oeil les recommandations de son bien-aimé enflammé qui lui demande de rester à l'arrière et intervient aussi souvent que possible avec son immense pouvoir (pas totalement exploité).
Evidemment, la vision du Magneto triomphant est très éloignée de celles qu'on aura par la suite l'occasion de lire - on est bien loin de l'homme nostalgique et digne qui vaincra les X-Men et les enfermera dans sa base en Antarctique sous la houlette du duo Claremont/Byrne. Cela dit, le sort de Namor, tiraillé entre son tempérament bouillonnant, sa haine de l'humanité de la surface et le sort de son peuple, et les tenants stratégiques du récit (Reed Richards conversant avec le président des Etats-Unis dans le but d'obtenir sa confiance dans les plans qu'il échafaude pour la sauvegarde de la Terre) enrichissent un arc passionnant qui ne manque que de ces morceaux de bravoure graphiques dont Kirby avait le secret (Romita se contente d'un découpage très classique mais gère parfaitement les nombreux combats) et qui s'achève sur l'amer constat d'une humanité condamnée à s'autodétruire.

Vance
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le 1 janv. 2019

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