Quiconque a lu la Horde sait que l’adapter pose des défis. (Oui, adapter une œuvre, quelle qu’elle soit, pose forcément des défis… Le texte de Damasio, me semble-t-il, plus que la moyenne.)
Première bonne surprise, là où certains éditeurs auraient dépêché un escadron de dessinateurs et de scénaristes pour cibler au mieux une communauté de fans, le volume publié par Delcourt est dessiné et scénarisé par le seul Éric Henninot – Gaétan Georges s’occupant de la couleur. Autrement dit, on a la garantie d’une ambition, et la promesse d’un véritable parti pris.
Deuxième surprise, en lieu et place d’un scénario paresseusement plaqué sur celui du roman, l’album propose des remaniements – en évoquant l’enfance des Hordiers avant de mettre en scène le premier furvent de la Horde, en tuant un personnage beaucoup plus tôt… Je ne sais pas si c’est ici rester fidèle à l’esprit de l’œuvre originale ou le trahir, mais c’est déjà montrer qu’on y trouvait un esprit suffisamment riche pour qu’on en fasse quelque chose.
Du reste, il y a dans Le cosmos est mon campement un dynamisme qui ne tourne jamais à l’hystérie. Régulièrement le récit accélère, se resserre, repart, comme ces rafales que le dessin parvient à restituer, en se mêlant aux onomatopées – dessiner le vent, encore un défi…
Le souffle épique né de ce travail empêcherait presque de relever ce que la pseudo-psychologie des personnages a de sommaire. Celle des personnages du roman n’était déjà pas un modèle de subtilité, mais au moins les tours de parole faisaient-ils de certains de véritables personnages, plutôt que les types – l’érudit sensible, l’élégant charismatique, le troubadour fantasque, le bourrin bourru, le guerrier d’élite… – auxquels le support les réduit.