Voici une oeuvre majeure de la bande dessinée, du fantastique pur jus, gothique, qui fait frémir et ressuscite les peurs viscérales liées au vampirisme. J'ai lu les 6 tomes d'affilée sans aucun ennui, j'ai tout de suite été capturé par cette BD, d'autant plus que les couvertures d'albums sont très accrocheuses. Ce qui m'a attiré aussi, c'est que Yves Swolfs en est l'auteur complet, or j'ai une admiration pour ce dessinateur depuis Durango, j'ai lu tout ce qu'il a fait, que ce soit Dampierre (sur les guerres de Vendée) ou Légende (superbe récit médiéval-fantastique), je savais donc que j'allais passer un grand moment de lecture.
Et pourtant, je me suis dit "encore une histoire de vampire, avec tout l'attirail crucifix, gousse d'ail, et canines aiguisées", j'avais tellement vu ça au cinéma que j'en étais un peu repu ; mais non, c'est bien de la grande BD, du Swolfs des grands jours qui prend un plaisir évident et qui met tout son talent graphique au service d'un récit à vous glacer le sang.
Dès la page d'ouverture, la composition lugubre est splendide, on est au Moyen Age et on est saisi par Kergan sorti de nulle part, du fin fond d'une forêt ténébreuse, dans une nuit bleutée, sublime vision qui se marie parfaitement avec les images de vieux châteaux dans une ambiance gothique à souhait. Introduit comme trouvère dans ce triste château de Jehan de Rougemont, il est attiré par Dame Marianne ; mordue par le vampire et devenue à son tour une créature de la nuit, l'histoire peut commencer, et à travers Kergan que l'on va suivre au cours des siècles avec sa malédiction sur les descendants de Rougemont, on verra l'adaptation du vampire dans différents milieux sociaux.
L'image de cette première morsure avec sa bouche pleine de sang est très forte, elle conditionne toute la série qui dès cet album déploie son cortège d'ingrédients classiques (château ténébreux, crypte, nuit lugubre, chauve-souris, allure de dandy, appétit féroce pour les belles femmes sensuelles, pieu planté dans le coeur...). Le chassé-croisé entre l'époque moyenageuse et le Paris de 1933 où l'on suit le destin du dernier des Rougemont, Vincent, est très réussi, l'ambiance est oppressante, et l'on devine que cette chasse au vampire à travers les siècles va devenir passionnante.
Graphiquement, Swolfs réussit de très belles images, soutenues par des colorisations appropriées, comme son vampire sur fond de feu ; son trait qui insiste sur le modelé des pierres du château de Jehan, ses visages marqués, menaçants ou rayonnants, l'érotisme latent qui surnage comme souvent dans toute histoire de vampire... tout est superbe, j'aime beaucoup ce rendu visuel qui donne une véritable identité à son dessin, en même temps qu'un aspect à la fois vigoureux et sensuel. Ce premier album est un vrai chef-d'oeuvre narratif et graphique.

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le 14 nov. 2020

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Ugly

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