Le bleu est une couleur chaude
7.4
Le bleu est une couleur chaude

Roman graphique de Jul' Maroh (2010)

On en a dit tellement de bien, je m’attendais un peu à autre chose… C’est sympa, le dessin est agréable, le titre est excellent (le titre est magnifique), mais l’histoire, intéressante au demeurant, n’évite (presque) aucun cliché. Je ne parle pas de clichés sur l’homosexualité (quoique oui, il y en a aussi), mais de clichés sur les histoires d’amour tout court. Comme la rencontre avec son premier copain : on dirait une scène de comédie romantique jouée et rejouée à l’envi. Comme la rencontre avec Emma : on dirait une scène de comédie romantique jouée et rejouée à l’envi. Finalement, on nous ressert tous les déboires et reboires, les états d’âmes et les crises et les rabibochages et les doutes et les certitudes d’une vie amoureuse comme il faut, remplie comme il faut par les drames et les incompréhensions, dévoilée comme le parfait petit manuel de la comédie romantique. Stop !

(Stop aussi à ceux qui compteraient lire la BD, il y a quelques infos spoilantes dans la suite. Vous pouvez reprendre la lecture à trois paragraphes de la fin. Vous êtes prévenus.)

Et si ce n’était pas suffisant, il n’y a aucune place au hasard. Aucune place au hasard, parce qu’il n’est que trop présent et trop pratique. Il n’y a qu’à voir qu’il suffit qu’elle sorte une fois dans un bar gay pour – ô miracle – retomber « par hasard » sur la fille aux cheveux bleus.

La scène chez les parents est tellement non crédible, aussi. (Attention, gros gros spoil : ) quel(le) copain/copine se balade nu(e) dans la maison des beaux-parents ?
Bien, maintenant qu’on a réduit le nombre (je considère « réduit » comme un euphémisme, mais soyons cléments) : quel(le) copain/copine se balade nu(e) dans la maison des beaux-parents la première nuit sous leur toit ?
Bien, maintenant qu’il ne reste vraiment plus personne : quel(le) copain/copine homosexuel(le) se balade nu(e) dans la maison des beaux-parents la première nuit sous leur toit alors qu’ils ne savent pas que leur fils/fille est homo ? …


Bon, non, mais sérieusement, y a moyen d’avoir une panne de cerveau plus importante encore ? Y a un minimum vital, quoi. On ne survit pas, quand si peu de connexions se font. Bref. Eh ! mais ça tombe bien, ça fait hyper fort avancer l’histoire dis donc, je m’en étais pas rendu compte ! (On ne m’enlèvera pas de l’idée qu’on a dérangé en trombe un dieu mal réveillé pour le faire sortir de sa machine. Et qu’en plus il s’est levé du pied gauche. Je ne vois que ça comme explication.)

(C’était la fin du spoil, mais je suppose que s’il reste encore des gens qui n’ont pas lu la BD, je peux de toute façon difficilement faire pire.)

Avant de dire un peu ce que j’ai aimé (si, si, il y a quelques points, même si je suis en train de me demander où à mesure que j’exprime ma déception), j’ai encore un problème avec un autre point. On sait depuis la première page qu’elle est morte : ça devrait désamorcer incroyablement la révélation de la raison de la mort. Eheh. Ben en fait non, on arrive encore à se taper une fin mélodramatico-pathétique. C’est un tour de force, quand on y pense, alors qu’on connaît la fin depuis le début…

Bon, mais qu’ai-je apprécié, alors ? Eh bien, outre le titre (mais je suis prêt à vous accorder qu’on en a vite fait le tour, quand même) et les dessins (ce qui, je me permets de le rappeler, n’est quand même pas un menu détail dans une BD) – sans qu’ils soient transcendants –, le traitement du thème principal – l’homosexualité, si vous n’avez pas suivi – est assez bon et assez beau. Ca, au moins, c’est crédible, sensiblement amené et ça donne un vrai souffle. Ce qui tourne autour de l’homosexualité est généralement bon dans cette BD, même si un bémol s’impose quant aux réactions, souvent trop caricaturales, trop dans l’extrême et dans l’attendu – quoique d’autres viennent contrebalancer l’affaire. Ca manque sans doute de nuances par endroits.

Ca y est, je suis reparti sur une critique et n’ai même pas vraiment développé les bons côtés de l’œuvre. Plus simple d’expliquer ce qu’on n’aime pas que ce qu’on aime. Comme pour tout, ce qu’on aime reste un sentiment qui plane au-dessus ; cette fois-ci phagocyté par des défauts visibles. C’est donc ce que je retiendrai du bleu est une couleur chaude : il y avait de bonnes idées, de moins bonnes, et des terriblement mauvaises de facilité.
Jeolen
6
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le 16 janv. 2014

Critique lue 502 fois

7 j'aime

Jeolen

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