Ceci est un chef-d'oeuvre !
L’une de mes convictions de cet été fût de lire le plus de manga de Osamu Tezuka possible. Entre les Black Jack que j’ai depuis quelques mois, La Vie de Bouddha et Gringo à la médiathèque, les Phénix L’Oiseau de Feu que je peux commander dans une médiathèque du réseau et peut-être bientôt les Dororo que je vais me procurer en occas’, j’ai quasiment lu que de ça pendant ces vacances. Or, j’ai du mal à imaginer qu’un autre manga de cet auteur puisse s’élever plus haut que La Vie de Bouddha dans mon cœur (et pourtant j’ai lu les premiers tomes de Phénix), car c’est très clairement l’un des meilleurs mangas qu’il m’ait été donné à lire de ma vie !
Commençons d’abord par abattre les préjugés. En voyant la couverture du premier tome, à quoi vous attendez-vous ? Personnellement, je m’attendais à un documentaire chiant, une œuvre de propagande bouddhiste ou bien à un manga de branlette intellectuelle. Mais c’était sous-estimer les talents de conteur de Osamu Tezuka, surtout quand il s’agit d’un manga réputé pour être un de ses chefs-d’œuvre, car finalement, je n’eût aucun des trois ! Si Osamu Tezuka a choisi de réaliser une biographie de Bouddha, ce n’est pas pour offrir un petit cours d’histoire et inculquer les valeurs du bouddhisme aux plus jeunes. A la lecture, on se rend vite compte que si il a fait ça, c’est parce que les sujets abordés dans cette biographie suivent le thème récurrent des œuvres de Osamu Tezuka, la condition humaine.
En effet, La Vie de Bouddha va être l’occasion pour lui d’aborder plusieurs sujets sur la condition humaine comme la relation entre l’homme et la nature, les différences entre les humains et les animaux, nos raisons de vivre et de mourir, la hiérarchie entre les hommes etc… Tous ces sujets sont extrêmement bien traités, sans lourdeur et vont au bout de leurs idées. Tezuka arrive à rendre ça extrêmement intéressant et ne tombe jamais dans le pathos ou le cucul malgré l’ancienneté du manga ! Même les passages moralisateurs ne sont jamais rébarbatifs ou consternants, le dialogue que l’auteur réussi à instaurer avec le lecteur se fait sans le moindre problème et en toute fluidité !
Vous n’êtes peut-être pas convaincu et pensez que ça a l’air quand même super chiant à mourir ? Peut-être que l’histoire et le style unique de Osamu Tezuka vous donneront plus confiance. Laissez-moi d’abord vous dire qu’avant La Vie de Bouddha, cela faisait longtemps qu’un manga ne m’avait pas pris aux tripes au point de me faire lire tous les tomes en très peu de temps (ça doit être depuis Nausicaä en été 2013) ! Tezuka arrive à rendre la lecture extrêmement prenante et jamais lourde, ça se lit tout seul du début à la fin et on redemande sans cesse ! Je plains vraiment les gens qui ont du suivre la publication durant 11 ans pour connaître la fin, car si j’étais dans leurs cas, ç’aurait été insupportable (rien que les trois jours d’attente pour pouvoir emprunter le dernier tome furent looongs) !
La Vie de Bouddha nous plonge dans l’Inde ancienne au Ve siècle avant J-C. On voit que Tezuka a réalisé pour son œuvre un travail de recherche colossal que ce soit sur les décors, les architecture, les cultures et les pratiques des différents peuples, les évènements s’étant déroulés (il précise même quand un évènement n’est pas certain), le contexte géo-politique etc…
L’histoire se concentre davantage sur ses personnages que sur une intrigue complexe. elle met en scène un nombre relativement réduit de protagonistes, mais ils ont l’avantage d’être tous très travaillés et de tous avoir leur importance ! La plupart du temps nous suivons les personnages de leurs plus jeunes âges jusqu’à la fin de leurs vies et tous évoluent durant l’histoire. Les principaux protagonistes sont réellement attachants et leurs interactions sont intéressantes dans le sens où ils ont chacun leur propre philosophie de la vie où ont encore tout à apprendre de celle-ci par l’intermédiaire d’un autre. Cela leurs donnent une profondeur insoupçonnée et les rend incroyablement humains ! Le scénario en lui-même bénéficie quand à lui d’un rythme hors du commun ! On ne peut jamais se plaindre qu’il ne se passe rien et les grands moments sont légions ! L’ennuie ne pointe pas le bout de son nez une seconde et le tout est maîtrisé à la perfection !
Tezuka impose son style comme il l’a toujours fait. Les dessins de ses personnages sont simplistes, mais très expressifs et le trait est sincère et généreux. On remarquera dans cette œuvre en particulier que Tezuka soigne particulièrement les fonds avec parfois des cases de toute beauté qui ressortent davantage devant la simplicité des dessins des personnages !
Dans La Vie de Bouddha, Tezuka s’amuse et expérimente. Il tente parfois des styles de découpages très atypiques notamment le découpage "en escargot" que l’on retrouve très souvent. La mise en page et l’action sont très dynamiques et nous plongent instantanément dans la lecture ! Bien que l’on soit dans un récit historique, ce n’est pas une raison pour l’auteur de ne pas faire d’humour ! On retrouve bien entendu toutes les touches d’humour que l’on a l’habitude de retrouver avec lui comme des brisages du quatrième mur, des anachronismes, des caméos aussi bien de l’auteur lui-même que de personnages de ses autres œuvres (ceux de Black Jack sont hilarants !) apportant au tout une légèreté bienvenue !
Je crois qu’il va être temps de conclure. Pour résumer, La Vie de Bouddha est un énorme coup de cœur ! Bien que j’en avais quelques préjugés, sa réputation faisait que j’en gardais quand même de grosses attentes et je ne fus absolument pas déçu, mieux, ce manga est allé au-delà de mes attentes ! C’est à l’heure actuelle mon manga préféré de Osamu Tezuka, ma meilleure découverte manga de 2014 (et pourtant j’ai lu Akira cette année) et un des meilleurs mangas qu’il m’ait été donné à lire ! Prenant, addictif, intéressant, passionnant, maîtrisé, beau, atypique, d’une profondeur insoupçonnée… La Vie de Bouddha est un chef-d’œuvre intemporel , un grand moment de lecture et une belle leçon de vie que je n’oublierais pas de sitôt ! Si vous ne l’avez pas encore lu alors foncez, c’est un indispensable !
