Un vilain petit canard dans la mare aux grands requins...

La collection DC Nemesis possède comme atout d'approfondir l'univers si fascinant de l'Homme Chauve-Souris en se focalisant sur la personnalité de ses nombreux adversaires. La diversité des caractères de ces criminels surnaturels constitue l'idée brillante de bâtir une histoire qui ne se concentre uniquement sur leur charisme. Ainsi, étant justement des reflets inversés de leur ennemi fou déguisé en créature de la nuit, ces "monstres" sont le résultat pathétique de la cruauté inhérente à la cité de Gotham. Le cas du Pingouin est encore plus glaçant : entre homme de pouvoir intimidant et créature hybride dérangeante, ce personnage a la qualité authentique d'être repoussant à cause de son ignominie physique et morale mais d'être paradoxalement séduisant grâce à ces mêmes défauts. Dans ce tome illustré magistralement par Szymon Kudranski, ayant signé des dessins pour Spawn (1992), l'auteur Gregg Hurwitz s'intéresse aux démons intérieurs de l'Homme-Pingouin.


Si le grand public retient du Pingouin un vilain froid et grotesque, cette histoire dévoile une nouvelle facette de cet homme brisé, à la manière de Tim Burton dans Batman Returns (1992) ou même Bruce W. Timm dans l'épisode intitulé Monsieur Pingouin de l'incontournable série animée Batman (1993). Cette fois sous un voile plus romantique, le personnage d'Oswald apparaît confondant aux yeux du lecteur assidu de comics. Beaucoup moins unidimensionnel, le rival de Batman doit son charisme à travers la pente glissante de ses émotions, entre une cruauté calculatrice et une âme de poète maudit. Cobblepot est ce monstre hybride coincé entre ses activités immorales et les signes d'espoir lui faisant toujours espérer une rédemption de l'homme infâme qu'il est devenu. Ce n'est plus l'homme qui devient un monstre, mais bien le monstre pathétique et romantique avec sa mère qui devient l'homme dans sa monstruosité la plus brutale. Le développement de sa nouvelle conquête amoureuse demeure extraordinaire dans la mesure où elle épouse avec brio la peur de soi-même que contient le Pingouin.


L'histoire cerne à merveille la complexité de cet anti-héros devenu baron du crime, si bien que la somptuosité artistique de l'album magnifie à juste titre le portrait du personnage. Jouant avec les contrastes des noirs et des lumières, le dessin met en avant subtilement le dilemme d'Oswald et sa laideur élégante, les lueurs d'espoir représentées par les objets appartenant à sa mère aimée. Son enfance est illustrée en sépia, presque noir et blanc, de sorte à renforcer l'impression malsaine qu'inspire le personnage. Il est également très important de noter les apparitions illustrées de Batman : les deux adversaires sont représentés face à face dans l'ombre, ce qui renforce la similitude de leurs caractères physiques. Batman et le Pingouin sont les miroirs déformants de deux êtres malades de la cruauté sociale qui essayent de se guérir par des méthodes opposées, l'un combattant le mal par une justice vigilante et l'autre combattant son propre mal en s'engouffrant dans un mode de vie aliénant.


La Splendeur du Pingouin est un bijou dessiné à lire en sachant savourer les composantes de sa richesse. C'est un portrait artistique et déchirant émotionnellement sur l'un des adversaires les plus ambigus et les plus passionnants de Batman. Tout simplement magnifique !

Max_Sand
8
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le 13 juin 2015

Critique lue 285 fois

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Max Sand

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