Johan et Pirlouit s'aventurent en terre inconnue...et tombent dans un nid de sorciers et, surtout, de sorcières...


Très bonne idée d'avoir situé l'action dans l'univers particulier des charbonniers de forêt, contexte culturel très spécial rarement abordé en BD ( et même en littérature, en cinéma, en peinture...).

Ils vivaient dans des cabanes dans les forêts - environnement considéré comme très hostile et très impropre à la vie humaine de l'antiquité jusqu'à l'époque "moderne" ( au sens historique de "moderne" )- et étaient considérés avec méfiance, comme des sauvages, et tenus à l'écart, objets de préjugés et de superstitions.

Bon choix, donc, pour installer l'aventure de la Nuit des sorciers !


En règle générale, je pense et dis beaucoup de mal de la continuation de l'œuvre de Peyo par d'autres, même si son fils est de la partie.

Puriste, je trouve les 4 albums dessinés par Maury plus riches, plus ouverts, mais moins clairs, moins rondement carrés, moins affirmés. ...ce qui arrive souvent quand on prend la suite d'un auteur sans faire la révolution en amenant un nouveau style : on reste dans une imitation entre deux eaux.


Mais la Nuit des sorciers est mieux aboutie que les 2 précédents : Déjà, la couverture fonctionne bien, même si on retrouve l'assemblage graphique hétérogène dessin de Peyo + dessin de Maury, et ( détail signifiant ? ) les persos façon Peyo sont mis en lumière, peu nombreux et très lisibles, tandis que toute la foule des persos façon Maury est massée dans l'ombre derrière eux, comme attendant l'occasion de sortir des coulisses pour occuper enfin le devant de la scène.

( ce qui ne se produira jamais, puisque la série s'interrompt hélas après l'album suivant, la Rose des Sables, sans que Maury ait abouti un style vraiment convaincant )


A l'intérieur, bonne surprise, le dessin est mieux maîtrisé globalement, plus lisible et homogène que dans les précédents de Maury, mais certains nouveaux personnages sont graphiquement encore un peu décalés par rapport aux héros, et un peu plus hésitants ( composition attitudes tracé ).

On sent qu'on est encore, globalement, dans un effort d'imiter Peyo, au lieu de développer un vrai "style Maury" affirmé et décomplexé, mais c'est de mieux en mieux.

La mise en couleur aussi est meilleure que dans les 2 tomes précédents ( quoi qu'un peu fluo parfois ), sans reproduire exactement celle de Peyo.


...mais assez fétichisé le look, voyons l'histoire, intéressante :


Les 2 héros et leur chèvre ( ne surtout jamais oublier Biquette, sans quoi on risque un coup de cornes dans les fesses ) sont embarqués dans une querelle sorciers - sorcières ( avec même, chose unique dans cette série, un prêtre fanatique façon Elie Semoun dans Kaamelott ).

Un peu dépassés par la situation, ils vont devoir compter, pour une fois ! sur les sorcières pour empêcher le sorcier de reconstituer le Globe de Puissance.


...bon, en général, je ne suis pas très fan des histoires où il faut réunir plusieurs objets magiques pour constituer un artefact conférant vie éternelle ou puissance absolue...c'est un motif un peu trop facile et galvaudé, dont les scénaristes devraient se méfier...mais cette aventure date de 1998, beaucoup d'histoires exploitant ce système n'étaient pas encore écrites.

( avez-vous remarqué que, parfois, on trouve usé un détail lu dans un livre, alors qu'il était un des premiers à l'utiliser, et qu'on a malheureusement lu trop de réutilisations avant d'ouvrir ce livre ? Comme si, en lisant "Entretien avec un vampire", on s'écriait "PFFF, trop cliché !" ).

...autre motif de râlerie : Le globe de puissance n'est pas un globe, plutôt un anneau. Moi, j'aurais choisi un compotier, c'est pratique et solide, et ça sent encore un peu la confiture de cerises de grand-mère ;)


Toujours pour faire mon blaireau : certains dialogues sont un peu maladroits et raides ( "Tu m'échappes encore, Myriam...Et avec le hochet d'argent! Mais je saurai me venger !" redoublant inutilement l'image, et dans cet exemple toute la page est comme ça, explicative - mais heureusement les pages suivantes sont carrément très bien ).


...on retrouve cette tendance quand Ubiquitas hypnotise des chasseurs et des gardes : répétitions maladroites. Cette petite tendance aux dialogues inutiles ou améliorables se répète souvent dans l'album.


...ultime râlerie : le jeu de Pirlouit qui flippe tout seul pendant que Johan aide la vieille "sorcière" rappelle un peu trop un passage du sortilège de Maltrochu de Peyo.


Mais l'action, elle, est enlevée, variée, surprenante, on est content de rencontrer de nouveaux persos ( Amandine, Myriam, la princesse...qui pour une fois n'a pas le look cliché princesse ) et de retrouver ce bon vieux Homnibus, même s'il ne sert pas à grand chose dans cette histoire, ni les schtroumpfs : Laissez faire les sorcières, elles gèrent !


( pour un autre aspect de ce livre, la spécialiste absolue :

https://www.senscritique.com/bd/La_Nuit_des_sorciers_Johan_et_Pirlouit_tome_16/critique/284853284

moranc
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le 27 oct. 2023

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moranc

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