Lors de sa naissance, « Ralph Azham » s’est vu reproché d’être un sous-« Donjon ». En effet, le fait que Lewis Trondheim crée une série humoristique inscrite dans un univers de fantasy incitait naturellement à faire un parallèle avec la saga tentaculaire « Donjon ». Cette dernière possède une place particulière dans le neuvième art des deux dernières décennies. Ces afficionados dont je fais partie lui vouent une affection certaine. Les premières aventures de ce nouvel héros prénommé Ralph donnaient l’impression d’utiliser les mêmes ficelles que celles de ces prédécesseurs Herbert et Marvin sans atteindre leurs auras. Néanmoins, au fur et à mesure que les années passent, les tomes paraissent et permettent à cette nouvelle série de voir sa propre identité prendre de l’épaisseur. La raréfaction des parutions d’épisodes de « Donjon » facilite la chose. « Ralph Azham » se compose maintenant de six tomes dont le dernier est paru le six février dernier chez Dupuis. Vendu au prix de douze euros, il nous offre une couverture nous immergeant au beau milieu d’une bataille de grande ampleur dans laquelle notre héros n’a pas l’air au mieux. Il ne restait plus qu’à s’y plonger pour en savoir davantage…

Le site BDGest’ propose le résumé suivant des enjeux de cet opus : « Les oracles, ça ne raconte pas de bobards : conformément à leurs prédictions, Ralph a bel et bien décapité le terrible Vom Syrus. Ou plutôt son sosie empaillé, utilisé par le roi pour entretenir la légende… Privé de l’alliance qu’il voulait nouer avec cet homme de paille et de retour sur les terres d’Astolia, Ralph va devoir trouver son père, une nouvelle stratégie, et un pantalon agréable ! Car l’aventure ne s’arrête pas pour la petite bande qui va découvrir que les ennemis de nos ennemis ne sont souvent que d’autres… ennemis ! »

Je déconseille à tout lecteur de découvrir cet album sans avoir lu les cinq précédents de la série. Les tomes s’enchainent comme les chapitres d’un roman. Nous sommes bien loin de notre rencontre avec le héros quand il était un paria dans son propre village, perdu au milieu de nulle part. Depuis, il a fait bien des rencontres et a vu sa célébrité grandir au gré des événements. « Ralph Azham » s’adresse à un public large. L’auteur joue avec humour des codes de la fantasy.

Le cinquième tome s’est conclu par une vraie révélation imprévue. Elle remettait en cause beaucoup des enjeux et des repères jusqu’alors mis en place. Le grand méchant Von Syrus n’existait pas. Le roi semblait avoir créé un méchant de toute pièce. C’est donc pour cela que nous assistons au retour de notre petit groupe vers leur légendaire ennemi pour obtenir des explications. Sur ce plan-là, le lecteur s’interroge tout autant. Notre curiosité est mécaniquement attisée tant cette découverte scénaristique. La trame du tome se décompose grossièrement en deux parties. La première décrit le retour à Astolia, la seconde s’avèrera être une grande bataille avec Ralph dans le rôle principal.

Cette intrigue ne s’avère pas très intense. Le trajet vers la capitale n’est qu’une succession de rencontres et d’événements sans grand intérêt. Certes, ils sont autant d’occasion pour l’auteur de distiller une ou deux vannes bien senties. Je ne vous dis que je n’ai pas souri quelques fois au cours des pérégrinations de Ralph et ses amis. Néanmoins, l’ensemble manque de rythme et a un côté presque « encroûté ». Trondheim a beau donné une place intéressante au père du héros et son projet de résistance, il n’arrive réellement à générer une montée en puissance vers le combat final. C’est dommage.

Comme je l’évoque précédemment, à la manière de bon nombre de blockbuster, cet opus se termine sur une grande guerre. Je n’ai rien contre ce choix. Par contre, dans le sens où cette scène finale s’étale sur une vingtaine de pages, il est indispensable qu’elle soit originale, cadencée et spectaculaire. Je ne trouve pas que cela soit le cas dans « L’ennemi de mon ennemi ». Malgré tout l’affection que j’ai pour lui, je ne trouve pas que Trondheim arrive à structurer sa scène d’action finale. Les combats ne rebondissent pas, l’enchainement des différents duels ou assauts est brouillon. Bref, j’ai été assez déçu. Alors que cet album avait les ingrédients pour se conclure sur un feu d’artifice plein d’espoir pour la suite, il se conclue sur un sentiment mitigé. J’avais l’impression que les vingt dernières pages auraient pu être synthétisées en moins de dix, ce qui aurait permis de construire davantage le dénouement.

Pour conclure, ce tome est loin d’être mon préféré de la série. Je trouve qu’il ne laisse pas beaucoup de place à l’humour tant dans les situations que dans les dialogues. Parallèlement, l’intrigue n’avance pas non plus à un rythme effréné. L’ensemble apparaît brouillon et dilué. L’attrait est préservé par l’empathie pour les personnages et par quelques moments très réussis, fruits du talent de son auteur. De plus, les dessins de Trondheim sont simples et sympathiques et rendent ainsi aisé et agréable la lecture. Le travail sur les couleurs de Brigitte Findakly n’est pas révolutionnaire mais participe à l’atmosphère graphique de l’ensemble. Je pense donc que « L’ennemi de mon ennemi » n’est pas l’épisode le plus marquant de la saga. Mais cette légère déception ne m’empêchera pas d’attendre la parution du prochain tome. Je reste toujours curieux de savoir vers où tout cela nous mène…
Eric17
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le 24 juil. 2014

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Eric17

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