HA HA HA. Y'Know, it's funny... This situation. It reminds me of a joke...

En premier avertissement, si Batman : The Killing Joke est un chef d’œuvre, il risque d’être assez quelconque pour ceux qui ne sont pas familiers voir assidus à l’univers de Batman. Il faut en effet, avoir lu plusieurs comics et avoir appréhendé le joker dans sa forme la plus globale pour pouvoir apprécier la dimension « clown triste » que cette œuvre dépeint. La plupart du temps, le joker est l’allégorie de la folie dans sa forme la plus pure : sans but, sans raison, il sème le chaos de façon aléatoire et incompréhensible. Le comic book explore une nouvelle facette du joker (à l’époque de sa sortie en tout cas) tout en s’appuyant sur une vision du personnage vieille de plusieurs dizaines d’années ; c’est en ça que The Killing Joke est une œuvre magnifique mais qui ne parlera probablement qu’aux afficionados du chevalier noir. Pour pouvoir s’émouvoir du cynisme et de la mélancolie se cachant derrière ce rire terrifiant, il faut avoir déjà lu du Batman.


Tout d’abord le bouquin s’ouvre sur un chevalier noir en proie à des doutes concernant son combat incessant, qui le mènera un jour lui ou son antagoniste à la mort. Mais ne vous y trompez pas ! Dans Batman : The Killing Joke, notre homme chauve-souris n’est qu’un second rôle. C’est son plus grand ennemi qui est au centre de l’histoire ! Nous allons suivre le Joker dans l’élaboration d’un crime odieux, mais qui cette fois n’est pas sans but. Celui-ci a soif de démonstration : il veut prouver à travers son crime que n’importe qui peut sombrer dans la folie, que celle-ci n’est qu’une fuite de la cruelle réalité. Et c’est là le point fort de cette bande dessinée : Le Joker n’est plus juste cette entité hasardeuse sans humanité, il est décrit comme une âme en peine, souffrante, qui a choisis le chaos en réponse à l’absurdité de la vie.


Alternant entre la réalisation du crime et les flashbacks, nous explorons donc le passé du joker selon Alan Moore. Le passé tragique d’un comédien raté et pauvre, qui trouvera finalement son meilleur rôle dans la folie. Bien écrit, avec des dialogues forts et ouverts à l’interprétation, l’œuvre est d’une grande subtilité. Il s’agit ici de suggérer les choses plus que de les dire. Si Batman est moins central que d’habitude, il a son importance dans le miroir qu’il apporte à son opposant : A partir d’un seul mauvais jour, tous deux sont tombés dans une forme d’aliénation, mais l’un s’attache à l’ordre là ou l’autre fait le choix du chaos. A la fin, lors de l’ultime blague du joker, il y a vraiment quelque chose de touchant qui s’opère entre les deux personnages, qui se comprennent plus que quiconque, bien qu’ennemis mortels.


Concernant le dessin, il est maîtrisé et beau (surtout quand on voit les standards de l’époque). C’est d’ailleurs un dessin qui a très peu vieillit ce qui appuie son intemporalité en tant que chef d’œuvre dans la saga Batman. En fait le seul défaut assez flagrant est la durée de lecture du comic book : entre 30 et 40 mn tout au plus. C’est court… trop court ! Mais bon … qualité ne rime pas avec quantité, et Batman : The killing Joke l’illustre très bien.


Un autre point qu’il faut soulever est l’importance de ce roman graphique dans l’univers de Batman. Bien qu’étant un one shot et autosuffisante, il ne faut pas oublier que celle-ci a introduit un passé au joker ainsi que la paralysie de Barbara Gordon dans la saga. C’est donc une œuvre importante qu’il faut avoir lu ne serait-ce que dans sa continuité vis-à-vis l’univers principal.


La blague qui tue


A la fin, alors que Batman se retrouve sur un toit pour arrêter le joker, il lui propose son aide. Il lui demande d’arrêter cette folie meurtrière et essaie de trouver une solution à tout ça. Ce dernier répond qu’il est trop tard et raconte cette blague : « « ... Hahaha. C'est drôle cette situation... me rappelle une histoire de fous... Y a deux mecs dans un asile de fous... et un soir ils décident qu'ils en ont marre de vivre dans un asile de fous. Ils décident donc de s'évader ! Alors ils montent jusque sur le toit de l'asile et de là, ils voient tous les toits de la ville qui s'étendent loin sous le clair de lune... La liberté à leurs pieds... Le premier ne fait ni une ni deux, il saute le vide qui les sépare des autres toits, mais son copain n'ose pas...il a peur de tomber. Alors le premier a une idée... "Hé, j'ai ma lampe de poche !" dit-il. "Je vais allumer. T'auras qu’à marcher sur le rayon de lumière jusqu’ici !" M-Mais le deuxième secoue la tête. Khhfn... Il... il dit... il dit "T-Tu me prends pour un fou ? Quand je serai à mi-chemin, tu éteindras ta lampe." ».


Cette blague est une conclusion magistrale à l’œuvre et peut être interprété probablement d’une multitude de façon. Pour ma part j’ai tout simplement vu cette blague comme la métaphore de la situation. Le joker accuse ici Batman de lui proposer une aide qui n’a aucun sens, une aide factice : le joker ne peut plus faire marche arrière, ce que lui propose Batman le ferait tomber dans le vide car il s’est réfugié dans la folie, le sortir de là le détruirais. Il préfère rester prisonnier de son aliénation plutôt que d’être plongé dans sa souffrance. Dans un même temps, il est conscient de ce qu’il est : un homme effrayé qui n’a confiance en personne, un lâche apeuré par un monde dans lequel il n’a jamais trouvé sa place. Finalement The killing joke se termine sur les deux antagonistes riants aux éclats, conscient de n’être que deux fous, l’un cherchant un but alors que l’autre a renoncé depuis longtemps.


Conclusion : Bien qu’un peu court, ce chef-d’œuvre est d’une grande subtilité. Profond à sa manière, si vous aimez l’univers de Batman il devrait vous apportez des pistes de réflexions sur ce que représentent les entités du Joker et du Batman. A lire absolument pour les fans de comics donc !


Critique originale

Créée

le 29 juin 2016

Critique lue 599 fois

5 j'aime

Koala Barbu

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