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Même si la nouvelle politique éditoriale de Delcourt me désole – ne vous inquiétez pas, je compense avec Akata devenu éditeur à son tour – cela ne m’empêche pas d’ y trouver des titres qui peuvent m’intéresser. C’est le cas d’Illegal Rare. Ou, du moins, c’était le cas d’Illegal Rare.
En effet, ce manga a été écrit par Hiroshi Shiibashi, l’auteur de Nura le Seigneur des Yokais, un shônen classique mais d’une rare efficacité, servi par un graphisme absolument sublime où cohabitent deux styles, dont un inspiré de la calligraphie et qui donne un cachet monstrueux aux scènes qu’il habile. Problème, Nura le Seigneur des Yokais, comme à peu près tous les manga sur les Yokais publiés en France – NonNonBa faisant probablement figure d’exception – s’est magistralement viandé, ce qui aurait dû condamner son auteur sur notre territoire. Et là, surprise, le nouveau directeur de collection de Delcourt revient avec Illegal Rare, sa seconde série.


Verdict : il aurait pu s’abstenir. En même temps, je suis un peu idiot, j’aurais dû remarquer avant que le titre ne comptait que 4 volumes au Japon, ce qui pour un manga publié dans le Shônen Jump n’est jamais bon signe, car cela implique traditionnellement qu’il n’a pas fonctionné. Pire, nous sommes typiquement dans une série dont les premiers chapitres, voire tomes, servent à poser l’ambiance, l’univers, et les personnages, avant d’entrer dans une histoire au long court. Sauf que, en 4 volumes, impossible de reproduire un tel schéma, à moins de mettre un terme à l’intrigue de façon brutale.
Le premier tome, justement, permet de nous décrire le monde dans lequel se déroule l’action, mais il donne peu envie de lire la suite. En tout cas, pas suffisamment pour que je souhaite poursuivre l’aventure, d’autant qu’il ne dispose pas d’une longueur suffisante pour réellement évoluer vers une structure narrative plus attrayante.


Pourtant, ce manga part sur de bonnes bases. Ici, les bêtes fantastiques et autres chimères – appelées Rares – sont des espèces chassées par l’homme, et de fait en voie de disparition ; alors que la plupart sont des créatures intelligentes, traquées par des collectionneurs ou en raison de leurs propriétés magiques. D’où la création à Scarcity, plaque tournante du trafic de Rares, d’une unité de police chargée de les protéger, et elle-même constituée de plusieurs d’entre eux. Le personnage central, Axl, est un vampire, un des êtres les plus recherchés mais aussi un des plus puissants.
Je ne savais rien du scénario avant de commencer, puisque je faisais confiance à l’auteur pour me surprendre. Il n’empêche que cela donne envie. Mais le traitement ne fonctionne pas.


Cette entame se présente comme une succession de cas, ou plutôt comme une succession de rencontres avec des Rares confrontés aux humains, et aux milieux auxquels ils sont liés. Pourquoi pas. Seulement, ce qui leur arrive se montre peu intéressants. C’est difficile à décrire. Le héros croise un Rare, associé à des circonstances particulières, il l’aide, mais les créatures s’avèrent standards – un loup-garou, une sirène, nous sommes bien loin de la folie douce d’un Area 51 – l’évolution prévisible, et à aucun moment je n’ai ressenti de l’empathie pour les personnages, malgré leur passé souvent tragique mais peu exploité.
Les personnages, c’est peut-être le principal point faible du manga. Le héros, Axl, est un vampire avec un sens vicié de l’orientation, et niveau personnalité, cela s’arrête là ; il nous est présenté comme un noble, en décalage avec son environnement, mais cet aspect qui pourrait en faire un ressort comique n’apparait que le temps d’une ou deux cases, ce qui est extrêmement dommage. Son assistante pourrait elle-aussi s’avérer drôle dans son admiration pour Axl, mais là encore, cela est tellement peu mise en avant que cela ne fonctionne pas mieux. Enfin, le chef de l’équipe, Fukumen, possède lui-aussi un véritable potentiel, mais l’auteur n’en fait strictement rien.


Le problème n’est pas tant que les protagonistes ne soient pas drôles, que le fait qu’ils semblent pensés pour l’être – du moins, lorsque la situation n’exige pas d’eux qu’ils agissent sérieusement – mais que cela ne marche pas. Ils ne font rire que lors de très rares instants. Et le mangaka ne propose rien pour compenser. Comme indiqué tantôt, ils ne font preuve de charisme que lorsqu’ils en ont besoin, et cela les empêche de se montrer réellement impressionnants. Nous sentons qu’ils cachent de lourds secrets, mais comme nous n’avons que très peu d’informations les concernant, ils n’en deviennent pas des figures dramatiques pour autant. Pour résumer, ils sont transparents. Le seul personnage plus original que la moyenne, c’est un « chasseur de remèdes » qui se révélera au final un antagoniste aussi standard que les Rares eux-mêmes.
En parlant de drame, nous parlons de créatures dont les familles entières sont massacrées par les humains, ce qui devrait être poignant, mais le sujet n’est que survolé le temps d’une ou deux cases à peine choquantes. Alors que ce n’est pas comme si l’auteur pouvait se permettre de ne pas aborder ces problèmes plus frontalement, puisque rien dans son manga ne compense cette absence.


En un mot : décevant. Illegal Rare n’est pas fondamentalement mauvais, mais il ne propose rien d’accrocheur. Aucune esquisse d’histoire de fond – nous nous doutons des pistes que l’auteur pourrait prendre, mais rien de concret n’est avancé – et les protagonistes donnent l’impression d’être mal exploités. Peut-être que Hiroshi Shiibashi préfère économiser ses effets pour plus tard, mais en l’occurrence, il aurait mieux fait de balancer la sauce d’entrée, afin d’attirer l’attention du lecteur. Car son faible nombre de tomes témoigne de son échec, preuve en est qu’il aurait mieux valu proposer du solide dès l’entame au lieu de tabler sur un succès qui n’est jamais venu. A moins qu’il n’ait tout simplement rien eu à nous raconter. Pour ne rien arranger, le travail de Delcourt déçoit lui-aussi, souffrant d’une traduction peu agréable à lire, avec des dialogues manquant de sens.
En l’état, mieux vaut en rester à Nura le Seigneur des Yokais.

Ninesisters
5
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le 17 nov. 2015

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