Holyland
7.3
Holyland

Manga de Kōji Mori (2000)

Un seinen de Mori Kôji paru au Japon au début des années 2000 terminé en 18 tomes.


Synopsis : Le manga débute par ces mots qui résument l'action, le lieu, le contexte, qui présentent le héros : Entre les mondes des enfants et des hommes s'étend Holyland. Là où les lois ne comptent pas, sauf celle du plus fort. Dans ce monde, il errait. Kamishiro Yuu, Il était là. Yuu Kamishiro a l'apparence d'un lycéen tout à fait ordinaire, pour ne pas dire effacé ou timide. Sous cette apparence se cache un terrible combattant, appelé très vite le chasseur nocturne (ou night hunter). Cependant Yuu n'est pas un Superman déguisé et doute terriblement, il a même peur à chaque combat et il est facilement effrayé. Sa présence dans les rues à partir de la tombée de la nuit est maintenant très surveillée et le jeune lycéen se pose des questions. Au fil du temps et au fil des combats et grâce à des rencontres Yuu va progresser de plus en plus et finalement essayer d'atteindre son but : Avoir sa place dans un endroit, avoir des amis...


Le dessin en lui-même : De prime abord, l'aspect graphique de ce manga révèle avant tout la maturité de son propos, si le dessin est assez épuré sans pour autant laisser trop de place au blanc, l'auteur parvient assez facilement à transmettre les émotions des personnages, des émotions brutes plutôt que subtiles. En effet, à la lecture, on ressent avant tout de la tristesse, du bonheur, de la peur, de l'incompréhension, des émotions simples mais fortes qui sauront vous mettre à rude épreuve mais qui rendront par la même occasion la lecture de ce manga addictive. Cependant, il me semble que les transformations faciales des personnages par leurs émotions restent finalement assez binaires, les entre-deux sont rarement exploités, ce qui, certes, permet d'approfondir la radicalité du propos de ce manga, mais cela rend aussi plus difficile l’empathie pour les personnages principaux. En effet, dans certaines cases des quelques premiers tomes, les personnages paraissent à des pantins peu humanisés. Cependant, on constate une véritable évolution au cours du récit dans la qualité de dessin, rendant ainsi les combats plus clairs et dramatiques qu’ils ne l’étaient déjà et les scènes de dialogue plus complexes et touchantes aussi. Pour l’utilisation du noir, certes cela permet d’obscurcir notre perception du personnage de Yuu quand il perd le contrôle du lui-même mais je trouve personnellement que le noir n’est pas assez mis en avant dans ce manga alors que pourtant, l’ensemble du récit se passe de nuit et se prête donc à l’exploitation des nuances de blanc et de noir.


L'auteur et les arts martiaux : A la lecture, nous percevons une certaine portée autobiographique dans ce manga. En effet, s’il ne s’agit pas à proprement parler d’une autobiographie, l’auteur ne précisant pas qu’il ait participé ou non à des combats de rue, le narrateur qui s’avère être aussi l’auteur intervient plus particulièrement au cours des combats pour permettre au lecteur de comprendre la complexité, l’intérêt, et surtout la dangerosité des combats de rue. Sous forme de bulles particulières et de schéma très peu intrusifs dans le récit, nous assistons, lecteurs, à de véritables leçons d’arts martiaux. Là où un autre manga comme Naruto pour le plus connu, explique la logique des techniques de ses personnages en se basant sur la fiction du récit et donc une logique externe à notre réalité, ce manga mise sur le cru, sur la dramatisation mais aussi sur l’âme propre de ces arts adaptés à la rue, il s’agit comme d’une bouffée de réel. Les personnages ne sont pas résistants, ils subissent des dégâts lourds, se fatiguent, alors que les combats se réduisent souvent à deux voire trois échanges, les combats sont donc vraisemblables et compréhensibles pour le lecteur grâce à l’intervention externe de l’auteur et certaines répliques de personnages pour nous donner la mesure des enjeux. L’intervention la plus importantes à me yeux de l’auteur traite de la notion de « dérive » qu’il a vécu dans sa pratique du manga en l’adaptant au récit, pour les arts de combat.


Les personnages et leurs relations : Là où les œuvres de Naoki Urasawa misent sur le récit et le scénario pour attirer l’attention chez le lecteur, Holyland mise tout sur ses personnages, j’irai jusqu’à dire que les personnages sont des récits qui se rendent interdépendants pour ne plus laisser la place qu’à un grand scénario, des vies qui s’entrelacent. Holyland sans ses personnages n’est plus rien, et aucun de ceux-ci ne semblent se réduire à des archétypes aseptisés par le temps, si les looks purs et simples des personnages ne sont pas d’une grande originalité, la personnalité et l’évolution de chacun d’eux vous tiendront en haleine, l’évolution physique et psychologique de Yuu Kamishiro, le personnage principal, restant celle la plus satisfaisante pour les lecteurs, il me semble.


La portée philosophique : en effet, ce manga à une intention, celle d’aborder des thèmes qui ne sont pas faciles et qui sont justement des préoccupations très actuelles : le harcèlement, le suicide (13 Reasons Why / The Breaker), la confiance en soi, la violence, la recherche de sens et d’objectifs de vie (Beck), le refus de l’autorité des adultes, considéré comme un monde impuissant, incompréhensible, insatisfaisant, une barrière à la liberté des adolescents pleins de rêves et de déceptions, le monde adulte se démarque par son absence, son inutilité et sa dimension quasi carcérale, celle d’entraver la liberté des personnages avides de choix et d’espérances. Tous ces thèmes sont abordés mais ne rendent pas la réalité manichéenne, la violence n’est pas un mal en soi mais peut être une solution à cette démarche de recherche de soi, une thèse qu’il m’est difficile d’appuyer sans vous recommander de lire ce manga le plus vite possible.


Aussi, si la lecture d’Holyland vous a plu comme elle m’a plu, je vous recommande chaudement un autre manga, tout aussi excellent voire plus selon moi, il s’agit de Beck, de Harold Sakuishi, une pépite qui vous imposera de prendre votre guitare et votre micro pour crier votre frustration de ne pas être Jimmy Hendrix.

Aryum
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Créée

le 25 août 2019

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