« Donjon » est une série qui a marqué le neuvième art. Lors de sa naissance, le projet de Lewis Trondheim et Joann Sfar paraissait irréaliste. Il souhaitait conter l’histoire des habitants d’un Donjon au cours de trois époques différentes. « Donjon Potron-Minet » devait suivre la construction du Donjon, « Donjon Zénith » son apogée et « Donjon Crépuscule » sa chute. D’autres séries telles que « Donjon Monsters » ou « Donjon Parade » agrémentaient également cet univers. Depuis de nombreuses années, les tomes paraissent à un rythme effréné pour le plus grand plaisir des lecteurs. La fantasy et l’humour sont les deux caractéristiques de cette grande épopée. Chaque cycle possède sa propre identité tout en respectant la cohérence narrative. Mais ces dernières années, les nouveaux épisodes ont été plus rares. En mars dernier, sont apparus dans les rayons à ma grande surprise deux nouveaux tomes. J’eus la désagréable surprise de voir qu’ils marquaient la fin de l’aventure. Ces opus marquaient-ils la dernière touche des auteurs à leur création ou pensaient-ils un jour combler les nombreuses zones d’ombre que leur chronologie possède encore ? C’est sans réponse à ses interrogations que je me suis plongé dans « Haut Septentrion », tome 110 de « Donjon Crépuscule ».

Le site BDGest’ propose le résumé suivant des enjeux de cet album : « Tremblement sur Terra Amata. Alors que tous les îlots s’éloignent du noyau de magma et de l’atmosphère respirable, le Roi Poussière pense qu’il est temps pour lui de mourir de façon héroïque. Marvin Rouge s’accroche toujours, bon gré, mal gré et va devoir le sauver de cette idée fixe tout en trouvant un moyen de respirer. »

Trondheim et Sfar n’en sont pas à une fantaisie près. En effet, cet ouvrage doit être lu en parallèle du tome 111 intitulé « La fin du Donjon ». Chacun décrit les événements qui mènent au dénouement de l’intrigue en axant sa narration sur des angles et des personnages différents. Ma critique porte sur « Haut Septentrion » qui se centre sur le duo formé de Marvin Rouge et Zakutu. Le premier est un guerrier hystérique assoiffé de sang ou de sexe au gré de ses humeurs. La seconde est une princesse héritière au caractère trempé. Les aléas de leurs parcours respectifs les mènent au centre d’un combat dont l’issue sera définitive pour le Monde. Je me dois rapidement préciser qu’il est indispensable d’avoir une connaissance minimale des enjeux et des protagonistes de la série pour se plonger dans cette lecture. Dans le cas cadre contraire, il me semble impossible d’y comprendre quoi que ce soit.

La nature même de l’histoire fait que la majorité des planches sont des scènes de combat et de batailles. Je ne suis pas trop fan de ce type de construction parce que bien souvent certaines planches sont du remplissage. Occuper trois planches à dessiner des explosions et des duels à l’épée évite trop fréquemment de construire une intrigue et de rédiger des dialogues travaillés. Mais les deux auteurs ne tombent pas dans cette facilité. Chaque page est agrémentée de plusieurs vannes bien senties que ce soit entre les héros ou envers leurs ennemis. Le côté testostérone des derniers opus de « Donjon Crépuscule » est une nouvelle fois bien transcrit. On pourrait regretter un début un petit peu brouillon. Le fait que la série ait sauté deux ou trois tomes a pour conséquence de nécessiter pour le lecteur un temps d’adaptation à la nouvelle situation à Terra Amata. La mise en route manque un petit peu de clarté et de finesse. Néanmoins, l’affection ressentie à l’égard de cette série fait rapidement oublié ce défaut au démarrage une fois que les deux tourtereaux au sang chaud se retrouvent en amoureux pour sauver le monde.

La relation entre Marvin et Zakutu est un des points forts de ce cycle. Les deux personnages sont individuellement très réussis et ils prennent une ampleur explosive quand ils sont mis en contact. Ce tome accentue ce phénomène dans le sens où ils ne sont que tous les deux lors de leurs pérégrinations. Personne ne leur fait de l’ombre et cela leur permet de ne fixer aucune limite à leurs excès. Cela offre des moments très drôles et surtout aucun temps mort. Une fois la machine narrative enclenchée, elle ne cesse pas de s’emballer sans jamais ralentir. Même la dernière planche est réussie sur ce plan-là alors que l’issue laissait la porte ouverte à quelque chose de plus classique et traditionnel.

Les auteurs ont pris l’habitude de changer bien souvent de dessinateurs d’un album à l’autre. C’est Alfred qui se voyait confier l’illustration de ce combat final. Il s’en sort correctement et reste globalement fidèle à l’identité graphique de la saga. Malgré tout, il ne s’agit pas de l’artiste dont j’ai préféré le travail sur la série. Son trait manque de finesse et de précision à mes yeux. C’est dommage car les scènes sont rythmées et denses. Il m’apparaît donc important de se montrer soigné et appliqué pour permettre au lecteur à la fois de s’immerger dans des décors en changement permanent tout en comprenant dans les moindres détails les événements qui s’y déroulent. Par contre, je n’ai rien à dire sur le travail des couleurs qui correspondent parfaitement aux attentes générées.

Pour conclure, cet opus conclut honorablement le cycle. C’est d’ailleurs plus dans l’évolution des deux personnages principaux que dans l’issue du combat final que réside l’attrait de la lecture. Il est évident que certains moments concernant Herbert sont nébuleux dans cet album. Mais je ne doute pas que « La fin du Donjon » éclaircira tout cela. Mais c’est une autre histoire…
Eric17
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le 17 août 2014

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Eric17

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