Harleen
7.6
Harleen

Comics de Stjepan Šejić (2019)

Une réponse à ce que j'ai pu lire

Cette critique est une réponse à tous ceux qui disent que ce récit est creux, qu'il ne se passe rien, et que ce n'est qu'une histoire d'amourette sans subtilité.


Tout d'abord, sachez que les critiques qui disent que le récit est creux sont aussi les plus courtes, et qu'on y trouve jamais un seul exemple.
Alors je vais me permettre d'expliquer pourquoi j'ai aimé cette BD, déjà parce que j'ai eu l'occasion d'écrire moi-même des histoires et je sais qu'en concevoir n'a rien de facile. Mais surtout parce que Senscritique est un magnifique réseau social qui nous permet à tous de nous exprimer et d'échanger librement, tel que des personnes quelconques comme moi.


Si vous vous permettez de critiquer avec mauvaise foi j'aimerais au moins avoir un exemple pour appuyer vos dires. Je souhaiterais comprendre ce qui ne va pas et surtout POURQUOI.
Exemple : Si vous dites seulement que vous trouvez un film moche, ça n'explique rien. La raison pourrait venir d'une qualité de l'image est très douteuse, ou parce que c'est filmé n'importe comment, ou car que les couleurs sont fades ou mal calibrées, ou même que les décors et costumes sont cheaps, ou que la luminosité est moindre.
Je ne lis pas dans vos pensées, alors précisez s'il vous plaît.


Personnellement, je dirais que la BD Harleen n'est pas creuse. Vous pouvez être en désaccord avec mon avis, mais je vais faire l'effort d'expliquer ma pensée :
Je trouve que l'histoire est très complète, bien qu'elle soit centrée sur les personnages plutôt que sur l'action. Car oui, c'est l'histoire de Harleen Quinzel et non Harley Quinn.

Vous l'aurez compris, à ce moment-là elle est une personne comme une autre. Elle a ses problèmes internes, psychologiques. C'est d'ailleurs pour ça qu'il y a beaucoup de textes en off. Et cette psychologie, on la retrouve aussi et surtout à travers les dialogues.
Qu'il n'y ait que peu d'actions pure et dure c'est justement car ça colle au sujet, c'est son métier. Logique non ?


Cette progression se fait à travers des entretiens bavards, des moments où elle gère sa vie banale, et des moments où elle se remémore son passé… Pendant tout ce temps, il se déroule un progression dans sa tête, il y a du conflit et du changement. On constate simplement son arc de développement interne, son évolution vers Harley Quinn.

Alors je veux bien croire que de nos jours la culture et surtout les films de super-héros et super-vilains développent moins voir quasiment pas les personnages. Et quand c'est le cas, on y trouve plus de superficialité et de clichés déjà vu.
Mais ce retour vers de la vraie psychologie fait du bien. Et bien que la BD Joker: Killer Smile ait essayé aussi, elle n'a fait qu'échouer vers la facilité. (j'explique plus en détail dans ma critique faite sur elle).


Alors, ce n'est pas creux, juste moins conventionnel. Et en soi, s'il se passait peu de choses, nous n'aurions pas un tome aussi épais, 131 pages. Au cinéma ça nous donnerait un film de 2h. Et si vous voulez une comparaison, dans ma bibliothèque, le tome le plus long de Batman que j'ai en ma possession atteint les 110 pages, dont plusieurs combats et des scènes d'expositions trop lourdes. (Je n'ai pas évoqué l'épais tome de Batman: un long halloween car je ne l'ai pas lu, je ne sais pas ce qu'on y trouve). Et c'est quand même Batman, le personnage le plus développé de cet univers. Alors que là, on est sur l'acolyte du Joker, un personnage qu'on a souvent réduit.
Moi je dis bravo, surtout si on se base uniquement sur la psychologie, en faisant appel à peu de personnages de cet univers riche - et quand c'est le cas, il n'y en a pas pour longtemps - et qu'en plus, on a très peu de scènes d'actions.
De plus, cet auteur n'a pas fait pas écrit de scénario avant de passer aux planches et au découpage. Il procède uniquement par résumé ! Donc évidemment, sur le papier ça rend les scènes logiquement plus courtes.


N'oublions pas que c'est en plus une origine-story, donc que ce n'est pas une aventure dirigée par le complexe Joker mais par Harleen principalement. Expliquer comment nous passons d'une personne "normale" à un psychopathe prend tout un épisode, et non dix minutes d'exposition.
Le récent film Joker en a fait justement la preuve, et son succès révèle que la psychologie intéresse le grand public. Même si ici,ce personnage est déjà présenté comme dérangé et bien que plus pathétique que vous et moi.


Passons à l'amourette. Je dois avouer que moi aussi ça m'a posé un léger problème au début. En progressant à travers les pages je me suis dit "attend, le joker est un romantique qui couche avec Harley tout en discutant niaisement avec elle ?!". Ben en fait, c'est pas mal.
Avec du recul on se rend compte que tous les couples ressemblent à ça, même deux psychopathes. Ça peut perturber de voir le Joker abaissé à ça mais ça passe bien au bout d'un moment. Mais surtout, on réussi à oublier au même niveau qu'Harleen que le Joker est un meurtrier. L'auteur réussit à nous faire douter de sa sincérité, sa vraie personnalité, pourtant ce n'était pas gagné avec un personnage aussi populaire et déjà dépeint de nombreuses fois comme un dangereux fou. Vous vous rendez compte ? Ce n'est pas simple de nous mettre dans la tête d'une femme qui a des problèmes presque communs et nous faire ressentir ses doutes sur une personne, que nous lecteurs, connaissons depuis plus longtemps qu'elle.
Et la fin nous reprend, elle nous rappelle qu'en fait c'était évident, que tout ces procédés n'allaient rien changer chez le Joker. Et même si c'est lui et que nous connaissons la fin de cette histoire, j'ai quand même éprouvé de l'espoir. Car cette pauvre Harleen voulait l'aider, à s'en bouffer la vie, et elle a sombré pour ça. Puis, finalement il nous fait douter de la sincérité de cet amour. Est-ce que le Joker a réussi ? Non pas à changer mais au moins à ressentir ce sentiment trop beau pour lui ? Mystère.


Il est manipulateur, notre clown a donné cette passion mielleuse à Harleen car elle le voulait.

Au départ, j'ai trouvé comme gros défaut le fait d'avoir introduit les scènes de rêves. Alors c'est vrai, ça donne des dessins créatifs qu'on aime voir. Mais au service de l'histoire cela semble facile, personne n'aime les cauchemars. Et puis, sur les dernières pages, le lien que l'auteur leur donne avec la réalité est merveilleux, presque onirique.


C'est intelligent dans son ensemble, ça prend son temps comme il faut, on sent le temps passer aux côtés d'Harleen. Peut-être que ça tombe par moments dans un registre pathétique commun, mais au final, c'est convenu je trouve.

Pour finir j'ajouterais qu'il y a de super idées visuelles. J'aime énormément l'idée d'avoir introduit Harvey Dent et de lui faire une courte back-story qui entre bien évidemment en lien logique avec Harley. D'ailleurs le passage des noms écrit sur le mur de l'asile d'Arkham à la fin était génial, il fallait y penser !
Il y a aussi quelques petites erreurs de vraisemblances, mais elles n'ont aucun impact sur le récit, c'est pourquoi elles existent.
L'auteur cite et applique plusieurs thèses de psychologie, c'est donc un sujet maîtrisé.
La couverture est maline et superbe, le personnage jamais sexualisé sans utilité contrairement à d'autres adaptation... (Non, je ne citerais pas !). Et le costume final fait plaisir aux puristes tout en ayant son propre style, moi j'adore.

Lisez-moi ça !

Mateus_Her
9
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le 17 mai 2022

Critique lue 423 fois

2 j'aime

Mateus_Her

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