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Happy
6.6
Happy

Comics de Grant Morrison et Darick Robertson (2012)

291 injures diverses et variées en seulement 96 pages. On s’en doutait, le titre du dernier comics de Grant Morrison, Happy!, est un faux ami. Il n’y a ici rien de joyeux ou de positif.
La présentation de son anti-héros suffit pour dresser le tableau: Nick Sax, alcoolo, ex-flic brisé par les femmes (une coéquipière qui l’a trahi, une épouse qui l’a largué), reconverti en tueur à gages capable de débiter douze insanités à la minute. Il suffit de tourner quelques pages de Happy! et de contempler le dessin de Darick Robertson pour se retrouver happé dans les bas-fonds: le trait est sale, irrégulier, une ode aux imperfections, les planches de l’Américain déclinant à l’envi un quotidien en cinquante nuances de gris.

La porte d’entrée vers cet univers plein de légèreté est un contrat qui tourne mal. En s’attaquant à trois mafieux trop gros pour lui, «Sax la poisse» finit dans une ambulance, une balle logée dans le thorax s’apprêtant à le soulager d’un monde de douleurs. C’est à cet instant précis que le récit dérape. Plongé entre la vie et la mort, l’assassin a une épiphanie, une apparition. Pas de vierge Marie à l’horizon, mais une licorne bleue, ailée, qui semble échappée du plus mielleux des Disney. Le message de Happy, puisque c’est son nom: il faut sauver la petite Hailey.

On l’a dit, ce comics est un faux ami. Et le polar urbain qui semblait se dessiner durant les 20 premières pages se révèle être un conte de fée. Esprit tordu et amateur de puzzle, le scénariste britannique dissimule les clés du récit dans quelques cases. Ainsi, l’apparition de Happy la licorne est une citation directe du ET de Spielberg, une silhouette noire se dessinant en face d’une lune trop grosse pour être réelle. Dans la page suivante, l’ambulance lancée toute sirène hurlante à travers la ville enneigée se dirige quant à elle vers un soleil qui semble dessiné par un enfant de 5 ans. Le réel n’a plus sa place.

D’abord cantonnée dans un rôle de Jiminy Cricket, guide bienveillant chargé de conduire notre antihéros vers sa destinée, la petite licorne sous acide jouera ensuite le rôle du Fantôme des Noëls passés, venu émouvoir un homme rincé et insensible. Même le monstre de l’histoire est une créature de légende: une silhouette tout de rouge vêtu, à la barbe fournie, un dévoreur d’enfants qu’il piège dans sa hotte.

La frontière entre réel et imaginaire a toujours été poreuse chez Grant Morrison, des délires de Doom Patrol aux hallucinations heroic fantasy d’un enfant en pleine crise d’hypoglycémie de Joe, l’aventure intérieure. En inventant le conte de noël hardboiled dans Happy!, l’Ecossais pousse son propos un cran plus loin en affirmant que la fiction peut terrasser le réel. L’imaginaire, valeur refuge en tant de crise.

A mi-chemin entre le Bad Lieutenant d’Abel Ferrara et la Vie est belle de Frank Capra, Happy! reste néanmoins une œuvre modeste dans la bibliographie de Morrison, aux ambitions souvent démesurées.
Marius
7
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le 23 oct. 2013

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Marius

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