D'Algérie
4.9
D'Algérie

BD franco-belge de Morvandiau (2007)

Saga familiale, du Berry à l'Algérie

De format "roman graphique", cette autobiographie possède un certain intérêt historique; l'auteur met en scène toute sa famille (un arbre généalogique prélude au récit), et entreprend de narrer sa vie, entre les profondeurs du terroir berrichon et l'Algérie, où une partie de la famille de l'auteur a émigré à l'époque coloniale, ce qui situe cette partie de la famille - et l'auteur - dans la mouvance "pied-noir".


A travers les allers et retours de certains membres de cette famille entre la France et l'Algérie, l'auteur brosse une description de la situation coloniale en Algérie, de la montée du nationalisme algérien, de la Guerre d'Algérie, et, à peu près jusqu'à l'an 2000, de la montée des contradictions internes en Algérie, et du terrorisme islamiste du GIA.


Moi qui ai un mal fou à saisir les relations de parenté au sein d'une famille dès qu'on a dépassé le stade Papa-Maman-les enfants, ce livre m'a occasionné quelques difficultés de lecture : cousins, oncles, tantes, etc. De plus, les allers et retours de tel ou tel individu entre la France et l'Algérie se succèdent parfois rapidement et inopinément, ce qui hache le récit et obscurcit passablement les motivations de chacun.


La deuxième moitié de l'album, quasiment monopolisée par la Guerre d'Algérie, offre maint document et mainte anecdote tirée d'éminents historiens,(l'auteur ne s'est pas contenté de relater des souvenirs personnels ou familiaux, loin de là). Bien que riche en connaissances (mais pas beaucoup plus qu'un cours sur la Guerre d''Algérie enseigné en Terminales), il a au moins cette cohérence et ce suivi qui vient de l'unité du sujet : l'Algérie, de 1954 à nos jours.


L'enracinement culturel de la famille de l'auteur dans le Berry vaut d'étonnants passages qui semblent bien loin des atrocités algériennes : en prologue, une longue (trop longue ?) récitation d'un poème populaire en "patois" berrichon. Plus loin, une carte postale représentant un intérieur berrichon du début du XXe siècle. De même, les attaches de la famille de l'auteur avec des prêtres catholiques nous vaut des développements inattendus sur le rôle des prêtres catholiques dans la Guerre d'Algérie (ils étaient souvent favorables à l'indépendance algérienne) et après (massacre de prêtres par les islamistes).


Un peu bousculé, mais bon enfant, et avec cette sagesse qui consiste à ne pas vociférer des opinions politiques tranchées. On ne peut pas dire que le dessin soit à la hauteur. Réalisé en ligne très claire, totalement en noir et blanc, les traits approximatifs et très souvent à peine esquissés, les lettrages ondulants et inscrits dans des espaces parfois mal calculés, tout sent une quasi-improvisation et un crayonné vite jeté à peine revêtu d'encre de Chine. Des portraits grand format (pleine page), tronçonnés en plusieurs vignettes, chacune étant pourvue de son propre récitatif, présentent les principaux acteurs de la Guerre d'Algérie. On regrette d'avoir à dire qu'on a du mal à les reconnaître, tellement le dessin manque de maîtrise : Bugeaud, Abd-el-Kader, Messali Hadj, Ferhat Abbas, Pétain, Mitterrand, Albert Camus, André Breton, De Gaulle, Mohamed Boudiaf; le caractère bricolé du dessin est flagrant lorsque l'auteur entreprend de reproduire (à titre documentaire) des couvertures célèbres de revues : une couverture de "L'Assiette au Beurre", par Steinlein; la célèbre couverture de "Captain America", montrant ce dernier envoyant un coup de poing à Hiltler : on est très, très loin de la perfection graphique et chromatique des originaux !


Le dessinateur se rattrape sur la mise en page, qui peut varier beaucoup (séquences régulières de petites vignettes, soit pour décrire une action continue, soit à titre de patchwork pour fournir des aspects et paysages variés d'un même lieu (la séquence sur les Etats-Unis ne retient que les côtés repoussants de ce pays); deux pages avec neuf vignettes chacune montrant un poste de radio qui décrit des actualités d'époques différentes).


Collage de documents historiques et géographiques, sur fond de mémoires familiales, cet album aurait gagné à être une collection de photos et de documents; une version dessinée n'était pas utile.

khorsabad
5
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le 1 août 2015

Critique lue 511 fois

khorsabad

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