Bien qu’enfance rime souvent avec indulgence, je me souviens que ma première lecture de Claymore n’était pas irréprochable : sans aller jusqu’à le placer dans l’ombre de Berserk, ce qui est un raccourci commun des plus faciles, le manga phare de Norihiro Nagi pâtissait déjà d’un dessin monocorde et d’une trame conventionnelle, tandis que ses traits associés à la dark fantasy lui assuraient toutefois de dépasser pareilles limites.
Ma lecture de l’œuvre n’ayant couvert que ses deux premiers tiers, l’occasion était tout indiquée de rafraîchir des souvenirs mitigés, quoique teintés d’une curiosité véritable : car malgré ses défauts, Claymore recelait semble-t-il un vrai potentiel, son postulat de départ hautement manichéen (à la sauce Bien/Humanité VS Mal/Démons) n’étant qu’un leurre. La multiplication des partis à la faveur de la bataille du Nord abonde en ce sens, les motivations des Abyssaux s’entrechoquant à celles mystérieuses de l’Organisation, elle qui poursuit des objectifs de bien plus grandes ampleurs.
Mais le théâtre d’expérimentation de l’île continuera de monopoliser la totalité du récit, le spectre d’une guerre lointaine de plus grande envergure n’étant qu’effleuré, de sorte à développer en filigrane les composantes de la lutte menée par les Claymores. Le problème étant que, peu à peu, l’intrigue va tourner en rond : si les cartes seront bien rebattues, la quête de Miria et consœurs s’accompagnera d’une palanquée de combats qui, quoique rondement menés pour certains, recycleront inlassablement les arcanes du dépassement de soi et des techniques salvatrices.
Dans le même temps, les dessous peu reluisants de l’Organisation n’étonneront personne, à raison de plus qu’elle versera dans des plans grandiloquents pour servir sa cause : des monstruosités en pagaille au menu, notamment issues d’un passé glorieux, de quoi bouleverser encore et encore les échelles de puissance et, fatalement, verser dans le deus ex machina et les explications fumeuses pour expliquer la réussite de ses héroïnes. Le parcours de Claire est naturellement symptomatique du procédé, bien qu’il faille convenir que Claymore demeure cohérent la concernant.
À l’instar de son dessin maîtrisé, sans panache à l’exception de ses « éveillés » gargantuesques, le manga n’est donc en rien une révolution : son appartenance au genre de la dark fantasy est d’ailleurs in fine un semblant de leurre, celle-ci tendant à relativiser sa classification shōnen… qui lui colle pourtant si bien, l’esprit de camaraderie, les bons sentiments et les rapports de forces déséquilibrés ne le démontrant que trop bien.