Carnation
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Carnation

BD (divers) de Xavier Mussat (2014)

Mouais... c'est bof ! J'ai presqu'envie de dire que c'est minable à cause de certains éléments du fond, mais ce serait oublier certaines qualités au bouquin.


Le graphisme est globalement plaisant. Le dessin n'est pas toujours beau, mais tout ce maniérisme, ce soin du détail, ce jeu de trait, cette grammaire somme toute assez étendue, fait plaisir à la rétine. On trouve quelques chouettes compo, de belles ambiances surtout grâce à ce jeu d'ombre, de très belles idées et solutions graphiques. C'est un peu fourre-tout aussi, à croire que l'auteur avait envie de démontrer tout ce qu'il peut fait. Du coup on passe d'un dessin photoréaliste à un dessin gros nez, dans un style underground le plus souvent, ce qui homogénéise l'ensemble, heureusement. Mais ça reste parfois un peu bizarre ces passages d'un style à l'autre.


Le découpage ne m'a pas vraiment emballé. On sent des liens entre l'image et le texte, et même si ce n'est pas volontaire de l'auteur, le lecteur va certainement en trouver (c'est ainsi que le cerveau fonctionne). Mais par moment c'est quand même un peu gratuit. Simple exemple, j'ai du mal à trouver pertinents les dessins de chiens à la fin... c'est aussi un peu trop systématique. Je ne dis pas que c'est facile, je pense que l'auteur a dû bien se casser la tête pour trouver ces associations... et pourtant ça paraît trop facile de faire ce genre de mise à scène. C'est surtout que ça manque de scène du quotidien, des moments où on voit les personnages vivre des choses, s'affronter, avec une caméra qui bouge autour d'eux. Coller une voix off à des images pendant autant de pages, c'est lassant.


Le récit aurait pu être plus dynamique. En soi, il y a une histoire, il y a des conflits, il y a des enjeux. Mais de la manière dont c'est raconté, c'est-à-dire avec une telle distance, il est difficile de se prendre au jeu. Et on s'ennuie parce que les enjeux narratifs tombent à plat. C'est pas une histoire qu'on lit, mais plutôt un mec qui nous raconte une histoire. Et ça ennuie. Le texte n'est pas particulièrement bien écrit non plus : bien que l'auteur ne se répète pas vraiment, du moins il ne me semble pas, on en garde cette impression, simplement parce qu'il étire ses phrases inutilement, sans les nourrir ; de ce fait, on comprend assez vite où il veut en venir, le premier phylactère est même trop évident, et le reste, les précisions, ne font en fait que répéter, involontairement je pense, ce qui a déjà été dit. Et donc on s'emmerde parce qu'on a l'impression de tout lire deux fois et que le récit aurait pu être deux fois plus court. L'auteur aurait pu éviter les longs monologues sur ses sentiments, surtout lorsqu'il essaie de faire des métaphores, c'est un peu lourd et à nouveau ça allonge le récit sans que ce ne soit nécessaire.


Là où ça devient un peu minable, c'est dans le fond du fond. L'auteur se sert de ce récit pour parler de cette ex qui lui a bouffé sa vie pendant quelques temps. Au final, c'est une sorte de règlement, de compte de défouloir. À aucun moment dans le bouquin je n'ai eu l'impression qu'il disait du mal de lui-même : tout est de la faute de l'autre (du moins en terme d'action, lui est responsable de par sa passivité, mais il se dresse plus comme une victime que comme un être responsable de ses actes), cette femme qui est du venin. Dès ses premières apparitions, on comprend que cette femme est bizarre, qu'elle n'est pas faite pour lui et qu'elle est même toxique pour tout le monde (elle et les autres). À aucun moment l'auteur ne parvient (voire n'essaie) d'en dresser un portrait positif. Si bien qu'on ne comprend même pas pourquoi le 'héros' en est tombé amoureux. Il aurait été bien plus intéressant, d'un point de vue narratif mais aussi au niveau du fond, de nous présenter le personnage de manière un peu plus neutre ou plutôt de manière plus nuancée, monter des choses positives et négatives. S'il s'agissait d'une simple fiction, j'aurais compris le besoin de s'attacher au manichéisme, mais ici nous sommes dans un récit autobiographique où l'on essaie de comprendre deux personnages. Et à aucun moment on ne les comprend réellement. Cette femme est folle, le bonhomme reste avec elle on ne sait pas pourquoi ; il en souffre mais ne fait rien pour en sortir. C'est facile. Et méprisant envers le personnage féminin. Qui aurait mérité un traitement plus complet. Ou alors il aurait fallu développer un peu le bonhomme... parce que bon, au final, même si c'est autobiographique, il est complètement invisible, l'auteur ne livre rien. On se retrouve donc avec l'impression qu'il s'agit plus de portrait de Sylvia que de Xavier. Mais un portrait incomplet, un portrait poussé par la rancœur.


Bref, il y a des choses très intéressantes dans ce bouquin et je souhaiterais découvrir d'autres œuvres de cet auteur ; malheureusement celui-ci est trop fourre-tout graphiquement et trop 'raconté' au niveau de la narration (plutôt que vécu), du coup on ressent de la frustration à la lecture.

Fatpooper
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le 24 févr. 2018

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