S’il y a bien un titre que j’attendais de lire avec une certaine impatience c’est bien ce Batman Eart-One. Déjà parce que c’est Batman, ensuite parce que les critiques furent souvent assez enjouées, et ensuite parce que j’étais fan de l’univers Ultimate chez Marvel en 2000. De plus, l’équipe créative Geoff Johns et Gary Frank fait saliver.

La ville de Gotham est une cité corrompue, de ses bas quartiers jusqu’aux plus hautes instances. Son maire, Oswald Cobblepot est pris à partie par un nouveau candidat incorruptible : le Dr Thomas Wayne. Ce dernier est cependant abattu, avec sa femme Martha, sous les yeux de leur unique enfant, Bruce. Des années plus tard, Bruce, épaulé par Alfred Pennyworth, un ancien soldat de fortune, décide de livrer une guerre implacable au crime, se créant une nouvelle identité : celle de Batman, le justicier masqué.

On démarre fort d’emblée, avec une petite dizaine de pages sans dialogues, toute la compréhension se faisant avec les dessins de Gary Frank. Et il nous éblouit d’entrée par son talent. Merveilleux travail sur les ombres, découpe rythmé, travail de fou sur les expressions de visages, un véritable travail proche du réalisme. J’émettrais un petit doute sur le costume de Batman, très réaliste, donnant un aspect, sans doute recherché, de novice à Batman, mais qui n’est vraiment pas beau. Surtout le masque. Sinon, concrètement le travail de Frank est jouissif du début à la fin du volume. On s’en prend plein les mirettes. Il illustre à merveille la peur, la colère, l’inquiétude, la tristesse, et j’en passe. Sa palette d’émotions est complète et renforce encore cet aspect réaliste de ses dessins.

Et si l’on rentre facilement dans ce bouquin grâce au dessin de Gary Frank, cela est bien différent pour le scénario. En effet, les débuts sont longs et poussifs. J’ai eu beaucoup de mal à rentrer, et lorsque j’ai vu arriver Alfred ce fut le pompon. Quelle idée à eut Geoff Johns de transformer complètement les personnages gravitant autour de Bruce Wayne/Batman ?! Il part trop loin dans ses délires, rajeunir les origines de Batman ne veut pas dire les changer, les transformer, voir les saccager !
Se retrouver avec un Alfred vétéran de guerre, tantôt dur, tantôt attendrissant, bien trop loin d’Alfred d’origine ; Il n’est pas crédible quand il est dur, il l’est encore moins quand il est attendrissant. Sans doute car on ne voit pas les années qu’il passe avec Bruce. On le découvre en même temps que Bruce Wayne et on le retrouve une fois que Bruce est devenu Batman, il n’y a pas de synergie entre eux, il manque l’aspect le plus important : la confiance aveugle, le fait que Bruce puisse toujours se reposer sur lui. Il doit avoir cette confiance avant de devenir Batman.
D’ailleurs voir Bruce enfiler le costume sans le moindre entraînement, juste avec la rage au ventre et la vengeance en vue, cela donne l’impression d’être face à un mec qui se déguise pour se venger, sans la moindre réflexion. Le pire étant que Johns nous fait comprendre que pour s’en sortir, il a besoin d’une arme à feu, même si ce n’est pas lui qui l’utilise à proprement parler. Toujours est-il que sans elle, Batman serait mort dans l’œuf !
Un Gordon poule mouillé et sans charisme, un Bullock sortant tout droit d’une télé réalité, ne pensant que pour la gloire et la reconnaissance, seul le Pingouin semble ne pas trop mal sans sortir mais quand on voit comment il fini…
Ils ont les mêmes noms mais ce ne sont plus nos personnages, Geoff Johns ne les remet pas au goût du jour, il les change radicalement et du coup ils perdent l’essence même de ce qui les rendaient uniques et intéressants.

Hormis ce gros soucis avec ces nouvelles versions des personnages, l’histoire, bien que longue a démarrer, est plutôt bonne au final. Bruce/Batman cherche à accomplir implacablement sa vengeance pour le meurtre de ses parents (ça, ça ne change pas), qui bien que cela ne se soit pas passé comme prévu, étaient la cible de l’opposant de Thomas Wayne dans la course à la mairie. Mais ce jeune Batman n’a aucune talent, il ne réfléchi pas à toutes les possibilités ni aux conséquences de ses actions.
A côté de cela, Gordon, véritable lâche comme toute la police, se voit adjoindre un nouveau coéquipier : Harvey Bullock ! Ce dernier, cherchant à se faire un nom inoubliable de tous, décide de rouvrir une vieille enquête, en utilisant le nom de Gordon : le meurtre des Wayne ! Vu que c’est le nom de Gordon qui a été utilisé pour rouvrir les archives c’est contre lui que des personnes fortement influentes vont se retourner, et surtout sur sa fille : Barbara (un des rares personnages a bien s’en sortir dans cette relecture des origines). C’est à se moment que le chemin de Batman et celui de Gordon vont se croiser, annonçant des changements radicaux à Gotham !
Plus on avance dans l’histoire, plus on rentre dedans, plus cela devient intéressant. Cela ne fait que s’accélérer, on lit cela avec l’envie pressante de connaître la suite. Et le final nous promet de très belles choses, malheureusement pour un hypothétique volume deux. Et même si le final me laisse un vilain goût dans la bouche, l’histoire en elle-même est menée d’une main de maître par Geoff Johns. Et si l’on passe sur ce gros souci des personnages, on a une histoire de qualité, très bien menée, dans un univers sombre, noir et réaliste, avec une bonne intrigue.

Et le pire, c’est que si ces personnages n’avaient pas ces noms là, ils seraient fort intéressants. Car ils ont une synergie entre eux. Batman devient Batman grâce à son travail, ses recherches, ses convictions, sa soif de vengeance mais aussi grâce aux gens qui l’entoure. Dans Earth-One, ce Batman va aussi se construire grâce aux personnages qui l’entourent, mais il sera totalement différent. Gordon, même s’il reprend du poil de la bête n’a rien à voir avec le Gordon de Year One par exemple, il n’a pas la même inflexibilité, le même courage. Il peut au final essayer de transmettre la même morale, mais elle n’aura pas la même valeur de part ses défauts. Et cela vaut pour tous les personnages. Ils ne s’appelleraient pas Gordon, Alfred ou Batman, on ne comparerait pas avec les originaux, et on les trouverait sans doute passionnant. Mais il y a comparaison, et pour moi il y a forcément déception.

Bref, ce qui faisait la force de la ligne Ultimate chez Marvel, c’est que nos héros voyaient leurs origines retravaillées pour les mettre au goût du jour, un bon coup de dépoussiérage, mais en gardant l’essentiel, en conservant les éléments qui faisaient de Peter Parker LE Peter Parker, qui faisaient des Quatre Fantastiques LES Quatre Fantastiques et ainsi de suite. Là on se retrouve avec une pâle copie de Batman, ce Bruce Wayne porte peut-être le costume mais il est trop grand pour lui. Il n’a rien à voir avec notre héros, il porte le nom de Batman, mais ce n’est pas Batman. Et c’est fort dommage car l’histoire est plutôt bien foutue et les dessins sont juste superbes…
Romain_Bouvet
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le 13 déc. 2013

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Romain Bouvet

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