Le commencement

Le tome 3 comprend la toute première histoire de Lucky Luke, écrite en 1946, intitulée Arizona. C'est donc avec beaucoup de respect que ce récit mérite d'être parcouru, surtout quand on connait davantage ceux qui ont fait le succès international de la saga dans les années 60-70.

Nous sommes donc en 1946 ; Morris, alors âgé de 23 ans, se lance seul dans la narration des aventures d'un cow-boy solitaire et son cheval. Il ne cache pas une certaine admiration pour Hergé qui a déjà publié à ce moment là 12 aventures de Tintin :

Cet album d'Hergé [Tintin au pays des Soviets, 1930] est sûrement pour beaucoup dans le choix de ma carrière.

Il est formé au cinéma d'animation et a une certaine admiration pour le western. C'est dans ce contexte que nait Lucky Luke.

En sort une première histoire, long de 20 planches, qui a pour objet la capture des bandits qui ont attaqué une diligence et récupéré son butin. Le récit est simple voire simpliste mais l'essentiel n'est pas là : ce sont les fondations posées qui sont remarquables.

Tout d'abord les personnages. Lucky Luke est déjà cet as de la gâchette, épris de bonté et de justice, aux traits qui s'affineront avec les années mais dont l'armature est là. Il est accompagné de son cheval, Jolly Jumper, avec un caractère déjà affirmé mais ô combien fidèle. Plus qu'une monture auxiliaire, un véritable compagnon d'aventure et de vie. Ils ne se quitteront jamais.

La dynamique des courses poursuites, des bagarres, des coups de revolver posent des bases qui ne feront que progresser.

Mention spéciale pour les scènes de nuit, dont Morris démontre un talent de dessinateur hors pair, sur les scènes des planches 6, 11 et 14. Bien plus tard, les albums Les Rivaux de Painful Gulch ou Tortillas pour les Dalton seront des modèles du genre.

Enfin, davantage en guise de clin d’œil, intéressant d'observer le titre : Arizona, alors que l'on sait que le QG futur sera plutôt le Texas. Certainement pour donner plus de liberté sur les espaces, la présence d'un bandit mexicain et d'inscrire la narration dans l'ouest sauvage.

Le deuxième récit, Lucky Luke contre Cigarette Cesar, a déjà un peu plus de structure (c'est sa 7ème histoire complète). Les textes sont plus nombreux, les cases plus denses, l'action un peu plus variée ; bien qu'une part de magie est absente. Une grande case fait son apparition en planche 5.

Deux belles références à Tintin sur ces deux histoires que composent l'album : L'Île Noire Planche 18, Cheat se fait avoir par un tunnel alors que le train est lancé à vive allure et aux Cigares du Pharaon quand Senhor Gonzalez (planche 6 de Lucky Luke contre Cigarette Cesar) prend des allures de Oliveira da Figueira.

Hergé a donné en partie naissance à Morris, ce dernier deviendra une légende du 9ème art. Arizona est son premier chapitre.