Un orateur trop long est comme une horloge qui sonnerait les minutes


Où commencer ce récit ? À ma naissance ? À ma mort ? Non. Tout a commencé au plus profond des mines de la forteresse-état d'Abu'Kazan, il y a déjà sept cent trente-six années.



Après Redwin de la Forge et Oldo du Talion, les Éditions Soleil emboîte le pas avec la troisième aventure de la saga Nains intitulée : Aral du Temple. Une nouvelle randonnée immergeant le lecteur dans une série d'héroïc fantasy gigantesque qui s'inscrit en parallèle de la série Elfes, menée par Jean-Luc Istin, s'entourant autour de l'univers des Terres d'Arran. On prolonge la découverte des cinq factions du pouvoir nain comprenant l'ordre du Talion, du Temple, du Bouclier, des Errants et de la Forge. Un troisième tome aux nombreuses propositions innovantes qui seront à l'origine d'une expérience instable difficilement supportable.


J'ai du mal à imaginer que derrière l'écriture d'Aral du Temple se trouve le même scénariste à qui l'on doit les deux premières histoires de la saga Nain, "Nicolas Jarry", tant le jeu d'équilibriste entre la narration dramatique et l'action est bafoué. Si jusqu'à présent l’utilisation de la voix-off à des fins narratives était une véritable force de proposition qui posait la réflexion du Nain auquel le tome se consacrait par le biais d'une identité narrative idéalement fonctionnelle dans la dramatique du personnage, ici, l'omniscience de la voix-off vient gâcher le plaisir. Une voix narrative bien trop présente venant remettre continuellement en cause l'action véhiculée à travers les pages, si bien que cela devient difficile de suivre le fil de l'intrigue. Sur les 59 pages que compte Aral du Temple, seulement 16 sont sans voix-off : une véritable indigestion ! Ajoutons à cela un récit particulièrement babillard qui laisse peu de place aux péripéties pour un maximum d'informations, ce qui n'aide pas à rendre le tout plus digeste. C'est dommage, car avec Aral du Temple le récit ne démérite pas et propose un personnage diamétralement opposé par un comportement tendre, attentionné, moqueur et docile, par rapport aux approches charismatiques, traumatiques, violentes et noires que furent Redwin de la Forge et Ordo du Talion.


Aral, fils de Jahar, petit-fils de Dar et petit neveu d'Aral roi d'Abu'Kazan est un gratte-plume qui en tant que disciple du Maître Toek agit comme ingénieur architecte au service de l'ordre du Temple de la cité d'Olam-Bakor. Un nain sans expérience du combat ayant vécu dans l'insouciance des rouages de la paix, permettant ainsi de découvrir la partie paisible de l'univers des nains. Une approche bienvenue qui consolide un cadre nuancé fortifiant le récit autour du peuple du Temple qui compte comme guerrier les Cognars pour assurer la protection des grattes-plumes. Tout au long du récit, on fait de nombreuses importantes et passionnantes découvertes autour de l'origine de la division du peuple nain avec le seigneur combattant Fugur Heaume-d'Airain, qui sans héritier laissa à sa mort le trône vacant, ce qui fit éclater l'Empire en une multitude de forteresse-états, où chaque seigneur se proclamait Roi. On y apprend l'existence du puissant fils adoptif du Roi : Forgrim, de la création de la Loge Dragon, de la guerre civile fratricide, des premiers Errants, ou encore des douze copies du "traité runique de la matière et de l'éther" dans lesquels sont consignés les plus obscurs savoirs nains et qui sont à l'origine de ce troisième chapitre. Un tome riche en révélation qui malheureusement se perd dans d'innombrables bavardages qui en plus resterons sans réponse sur de nombreux éléments autour de la très longue vie d'Aral.


Quelques bonnes péripéties demeurent comme le passage du téléphérique, ou encore le chapitre sur le basculement du peuple corrompu par la foll-rage : un sortilège véhiculé par un terrible dragon qui fait office d'antagoniste final. Seulement, chaque péripétie passe vite. Aucune séquence n'est épique et les rares combats sont anecdotiques : même face au Dragon ! Rien de bien percutant à se mettre sous la dent, ce qui fait qu'on s'ennuie et qu'on vient difficilement à bout de l'ouvrage. La partie exploration, bien que limitée, offre une belle découverte avec la porte de Gorm, fortification qui garde la voie Est de la forteresse-état d'Abu'Kazan, ainsi qu'avec la cité sous-terrain du royaume. Niveau dessin, Stéphane Créty cède à mon grand regret sa place (comme l'avait avant lui fait Pierre-Dennis Goux que l'on retrouve tout de même à la conception de la superbe couverture) pour le duo Deplano-Jacquemore. Au moment où j'écris cette critique, les dessins du duo Deplano-Jacquemore bien que loin d'être mauvais, sont de loin les plus faibles. Les personnages affiches des mines enfantines manquant de précisions dans les traits avec des couleurs lumineuses. Aucune vignette n'est particulièrement grandiose sauf pour quelques décors, et l'action n'est pas très bien rendu avec des plans qui bien souvent manque d'inventivités et d'épiques dans la mise en scène.
En comparaison de ce que l'on a déjà pu voir, c'est pauvre !



CONCLUSION :



Nains tome 3 : Aral du Temple des Éditions Soleil, est une aventure décevante qui malgré les riches et passionnantes découvertes se perd dans des longs textes qui du début à la fin prennent énormément de place, le tout saccadé par une voix-narrative omniprésente venant couper chaque vignette empêchant la fluidité de l'action. Malgré des graphismes appréciables bien qu'un brin brouillons, le manque d'idée technique allié au manque d'action intensif ne parvient nullement à compenser le pot-pourri narratif. C'est regrettable, car le personnage d'Aral est très intéressant apportant une face plus humaine des nains venant contraster avec la noirceur et la fureur jusqu'à présent observée. Un troisième tome tristement brouillon de bout en bout.


Une aventure bien moins percutante que celles de ses prédécesseurs de la Forge et du Talion.



Il est maintenant temps pour moi d'affronter mes propres démons, sans peur, sans chagrin, sans regret, et de faire face, sans bravoure ni lâcheté. Je vais les laisser dévorer ma chair, boire mon sang, curer mes os, se repaître de tout ce qui a façonné ma longue vie. Et quand ils se retireront, il ne restera rien. Je pourrais alors véritablement commencer à cheminer. Cessons de chercher ailleurs ce qui est en chacun de nous... Ceci est mon testament.


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