L'amour a ses raisons que la raison ignore, pour cet amour, sommes-nous prêts d’assumer de vivre dans l’immoralité ? c’est ce que l’auteur essayera de répondre dans cette œuvre.


Avant tout, Yuko est une version actualisée du manga « Nouvelles de Littérature Japonaise » édité en 2002 par Tonkam. Trois de ces nouvelles sont inclus dans cette nouvelle anthologie comportant aux totales douze histoires, huit se situent à notre époque et cinq à l’époque féodale. Deux récits restent inédits à la première édition. Les histoires datent des années 90 et ont été soigneusement choisi par l’auteur lui-même. Une seconde anthologie avec des récits des années 70 toujours inédite en France reste à découvrir.


Cette compilation a pour thème l’immoralité, celle-ci peut revenir de nombreuses formes. L’interview de l’auteur en fin de tome explique son intention, celui de montrer que « vivre une vie saine, conforme au sens commun est un choix, mais vivre dans l’immortalité en est un autre, qui lui aussi se mérite. ». Il souhaite mettre en avant le courage des personnes qui choisissent de vivre à contre-courant, en dehors des barrières sociales et assumant leur choix.


Durant les douze récits, IKEGAMI nous montrera sa vision de ce sujet. À travers des histoires relatant des actes réalisés uniquement par amour, l’amour incestueux, la possession maladive, les jeux sexuels par strangulation qui tourne mal, l’obsession pour une femme fatale qui attise tous les fantasmes possibles ou encore des jeunes filles qui cachent leurs jeux pour ne citer que ces exemples.


Ne le cachons pas, l’auteur aime les femmes, et cela se ressent, mais il aime deux types : les beautés fatales à la plastiques parfaite et les filles d’apparences classiques mais qui cachent clairement leurs désirs. Le type de femmes qui réussissent à raviver les pulsions primaires d’un homme par un simple regard ou un simple geste. Cette vision de la femme idéalisée, de la femme-objet ou de la femme parfaite par la population masculine sera la clé de nombreux récits. De ce fait l’œuvre sera certainement plus appréciée par un public masculin.


Pour représenter l’immoralité, le mangaka aura souvent recours au sexe, si certains passent à l’acte pour trouver l’extase qu’ils n’ont pas dans leurs vies monotones, d’autres montrent leurs frustrations causées par leurs limites sociétales, l’ennuie, ou la monotonie de leurs couples. Allant jusqu’à s’imaginer des scènes érotiques ou fantasmer sur une autre partenaire.


Les femmes assument leurs sexualités et les hommes assouvissent leurs désirs les plus enfouis, les personnages qui ne cherchent pas à se refréner. Ce besoin de franchir l’interdit, franchir cette barrière morale que la société impose est d’autant plus fort dans la société Japonaise. Certains protagonistes assument totalement leurs obsessions, d’autres essayent de les maitriser, et certains se laissent même posséder à en devenir fou.


Le mangaka réussit avec brio à dépeindre des situations « malsaines », non tolérées, dépassant le politiquement correct. De par son découpage, et ses angles de vue, il réussit à faire ressentir la tension ou l’envie des personnages. Certains récits tendent vers la métaphore avec des scènes imagées, généralement bien trouvées, les histoires sont prenantes et la compilation se dévore d’un trait.


L’œuvre prend aux tripes par le charisme des protagonistes ou la qualité de narration. L’immoralité est aussi présente sur d’autres sujets qui ne sont pas liés au sexe, comme le mensonge ou le désir de vengeance mais ce sont des thèmes moins mis en avant dans l’oeuvre.


Attention, l’œuvre est pour un public adulte, certains passages sont plus qu’explicite, mais l’auteur se retient de montrer des parties intimes. Les femmes aux corps parfaits, que l’auteur apprécie tant, sont représentées dans leur plus simple appareil. Les histoires se veulent malsaines, elles restent lisibles et accessibles pour le grand public, nous sommes loin du registre de l’eguro qui lui se veut encore plus malsain même visuellement.


Le trait d’IKEGAMI est sublime, proche du photoréalisme, les décors sont saisissants. Le jeu des trames et des ombres donnent de la profondeur aux personnages. Les visages sont impressionnants de détails et les expressions sont travaillées, il est facile de ressentir les sentiments de désir ou de perversité. L’auteur varie les techniques de dessin et réussit à créer des personnages bien distincts. Le découpage et la mise en scène sont parfaitement maitrisés. Difficile d’émettre quelconques remarques négatives sur ce point, de bout en bout il émerveillera les rétines.


Ce sont les Éditions Delcourt/Tonkam qui signent ce volume unique. Trois histoires ne sont pas inédites, il contient 300 pages d’inédit sur les 450 qui le compose. C’est dans un grand format luxueux (environ 15x21cm) que nous avons le plaisir de découvrir ce recueil. Le livre comporte une jaquette amovible, une reliure cousue et il s’accompagne d’une couverture rigide avec un signet. La couverture dans ses tons violacés est sublime et nous avons un objet de luxe.


Une interview de l’auteur est présente en fin de volume, bien qu’il n’y ait pas de détails sur l’interviewer. L’absence de page de couleur (hormis la toute première) est regrettable, de nombreuses histoires en comportaient à l’origine et cela aurait donné encore plus de saveur à l’ouvrage. Pour chipoter la qualité du livre le rend assez rigide avec des bords pointus qui ne facilitent pas sa manipulation. Il en est de même concernant l’ordre des histoires entre les récits littéraire et contemporain qui n’est pas optimum.


Yuko est le titre de la première histoire, le sous-titre « Extrait de littérature Japonaise » semble un peu exagéré car il n’y a que trois récits dans le lot. À moins que ce sous-titre serve de lien avec le premier volume édité par Tonkam. Toutefois nous profitons d’une nouvelle traduction et du sens japonais. Les trois récits sont : l’enfer (figures infernales), l’amour de Tôjûrô (un amour de Tojuro), le donjon (l’histoire du donjon).


Cette compilation représente parfaitement l’immoralité que l’auteur aura voulu dépeindre. Chaque histoire se lit et se relit avec plaisir. Le trait du mangaka est sublime et il réussit parfaitement à représenter les émotions et envies de ses personnages. Amateur d’IKEGAMI ou de titres borderline vous trouverez votre bonheur.

darkjuju
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le 4 déc. 2020

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darkjuju

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