Vénus Noire est un projet très spécial puisqu'il s'agit d'un film d'Abdellatif Kechiche (dont on se rappellera l'Esquive) qui a eu le droit, en même temps qu'à sa sortie cinématographique, à une adaptation en bande-dessinée. Celle-ci, réalisée par Renaud Pennelle est basé à la fois sur le scénario final mais aussi sur les différentes versions qui eurent court.
Le paradoxe est commercial puisque clairement Kechiche n'a guère d'intérêt à faire la promotion de son film via la BD, le neuvième art étant un secteur qui a un impact bien moins fort que le septième. Le projet est donc étonnant dans un premier temps, mais cela suffit-il à juger ? Certainement que non, simplement le lecteur est par avance dérouté et se demande bien quelle est la finalité de ce qu'il va lire.


L'histoire, comme dans le film, est celle de Saartjie Baartman, une esclave d'Afrique du Sud née à la fin du XVIIIe siècle qui est remarqué par un médecin. En effet, son fessier, d'une taille importante (stéatopygie) amène le docteur Alexander à se dire que de retour en Europe avec une telle femme, il pourrai se faire beaucoup d'argent en la mettant comme bête de foire.
Accompagné par Hentrick, le propriétaire de Saartjie, le trio va à Londres où ils vont volontairement jouer la carte de la sur-enchère, la faisant passer pour une princesse cannibale, attrapée dans la jungle par Alexander.


Particularité d'ailleurs de cette histoire est, qu'au delà de l'acceptation de Saartjie, tout le monde sait bien qu'il s'agit d'un spectacle. Tous savent que Saartjie est une jeune femme intelligente, cultivée, parlant plusieurs langues. Au risque de surprendre, si j'ai trouvé ça instructif sur la vision qu'avaient réellement les gens de l'Afrique au XIXe siècle, je n'en suis pas moins révulser de voir à quel point le racisme est absent de cette BD. A peine l'esclavagisme est-il vraiment présent et il est nécessaire de connaître le sujet.
En effet, Saartjie a un destin qui n'est guère différent de celui d'une Nana de Zola. Le rang social, la couleur de peau n'ont guère d'impact. Esclave, noire, cela ne transparaît guère dans cette bande-dessinée et si on la plaint pour ça, le lecteur verra à quel point cela est en réalité mécanique et que la chute de Saartjie est une chute de la gloire à l'oublie, bien commune et finalement, sans grand rapport avec l'esclavagisme dont elle fut la victime.
L'artificialité du thème de l'esclavagisme fait, qu'à mon sens, cette BD n'est pas une œuvre qui défend les esclaves. Elle ne rend pas sa dignité à ceux qui en sont mort pour la simple et bonne raison qu'elle ne prend pas à bras le corps ce problème.
Pour le racisme, c'est clairement entièrement absent de la BD, à croire qu'aucun racisme n'existait dans l'Europe du début du XIXe siècle.


Graphiquement, le style est très beau, le character design colle parfaitement au sujet. On regrettera le découpage, qui prend parfois beaucoup de place et se concentre sur les décors ou des cases sans actions.
Globalement la narration n'est pas non plus très fluide et à un parfum de répétition et un manque de mise en avant des enjeux. Les épisodes s'enchainent de façon un peu mécanique à notre grand regret et la suite semble être une boucle particulièrement répétitive.


Il en résulte que si une partie de la forme et une partie du fond est sauvé, cela reste une minorité et principalement la BD échoue à transmettre un message et à faire passer un moment réellement agréable au lecteur en terme d'expérience de lecture.
Cela dit, comme l'annonce ma note (4/10), tout n'est pas à jeter et un certain plaisir reste présent, bien que largement en-deçà de ce que l'on était en droit d'attendre.

mavhoc
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le 4 juil. 2015

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