Cas de possession mystérieuse dans une petite bourgade de province

Ce tome fait suite à Souffrance (épisodes 7 à 12) qu'il faut avoir lu avant. Il faut avoir commencé par le premier tome Possession (épisodes 1 à 6) car il s'agit d'une histoire continue, sans rappel systématique. Ce volume contient les épisodes 13 à 18, initialement parus en 2015/2016, écrits par Robert Kirkman, dessinés et encrés par Paul Azaceta, avec une mise en couleurs d'Elizabeth Breitweiser, la même équipe créatrice depuis le premier épisode. Fidèle à sa politique d'édition, Skybound n'inclut pas les couvertures dans les recueils.


Kyle Barnes et le révérend Anderson sont au domicile des Holt. Ils tentent d'exorciser Megan Holt (la sœur de Kyle). C'est une véritable épreuve physique au cours de laquelle ils ne semblent pas faire de progrès notable. Quand Mark Holt (le mari) arrive la situation n'apparaît pas en leur faveur, elle paraît même franchement suspecte. Une fois l'affrontement passé, Megan s'inquiète de sa fille Holly. Elle est dans sa chambre, où Sydney veille sur elle. Cela déclenche un autre affrontement, au grand dam du commissaire Rome.


Megan Holt se retrouve à veiller son mari qui est allongé sur un lit d'hôpital en piteux état. Le révérend Anderson se retrouve en cellule à essayer de s'expliquer auprès du commissaire Rome qui est aussi un partenaire de poker. Kyle Barnes doit subir l'épreuve d'une visite à domicile par Sidney. Il doit ensuite subir les questions et les reproches de son ex-femme Allison. Enfin il reçoit la visite de Regina qui lui demande de l'aide.


Dans les 2 premiers tomes, Robert Kirkman a installé ses personnages à une allure posée, sans être trop lente. Au fil des épisodes, le lecteur comprenait que l'objectif était d'établir une atmosphère inquiétante, dans laquelle le personnage principal ne sait pas trop vers qui se tourner, n'arrive pas à identifier les ennemis, encore moins déterminer leurs motivations, et doute de sa propre raison. La narration est donc pleine de silences, de sous-entendus, et d'échecs pour Kyle Barnes. Si cette aura de mystère était parfois un peu creuse, elle aboutissait souvent à des séquences intenses en termes de tension et de non-dits (en particulier lors d'un plein dans une station-service). Le lecteur aborde donc ce troisième tome en se disant que l'intrigue va progresser à une allure d'escargot, mais que le malaise ira en s'intensifiant.


De fait le premier épisode propose une séquence décompressée, mais angoissante. Arrivé au troisième tome, le lecteur a identifié le personnage principal et il suppose qu'il n'avalera pas son extrait de naissance de sitôt car la série repose sur lui. Par contre, la pérennité des autres personnages n'a rien d'évident, même celle du révérend Anderson. Il y a donc un véritable suspense quant à l'issue de cet affrontement assez glauque, où 2 hommes doivent neutraliser une femme possédée, la plaquer au sol, éviter de se voir infliger une blessure, tenter de ne pas la blesser grièvement, avec sa fille dormant dans la même maison, et son mari pas loin. Kirkman consacre une bonne dizaine de pages à cette bagarre, soit la moitié de l'épisode, et le lecteur se retrouve dans une position de voyeur pas très confortable. Le dessinateur évite soigneusement de réduire le corps de Megan à un objet, les coups font mal, les blessures saignent de manière normale.


Paul Azaceta dépeint une empoignade sans grâce, avec des individus qui se heurtent dans les meubles d'une chambre de taille moyenne. Il ajoute des cases carrées en insert pour montrer le sang qui coule, ou un mouvement brusque de tête. Elizabeth Breitweiser continue d'utiliser des couleurs presqu'exclusivement sous forme d'aplats unis, dans des tons bruns ou verdâtres, ajoutant un éclairage blafard et pas assez intense. Le lecteur se retrouve à être relégué au rôle d'obstacle, de gêne aux côtés des personnes, presqu'en étant dans leur passage. L'atmosphère est poisseuse, mais alors que les pages se succèdent, le lecteur prend du recul vis-à-vis de ces empoignades malhabiles. Il n'a pas besoin de 10 pages pour comprendre les difficultés. Il y a un autre échange de coup dès l'épisode suivant, mais cette fois-ci l'enjeu est plus clair. Au fur et mesure que le personnage frappe son opposant jusqu'à s'acharner, il gagne en culpabilité aux yeux du chef de la police.


Dans l'avant dernier épisode, le lecteur se retrouve à nouveau en spectateur d'une autre dérouillée sévère. Un personnage est plaqué au sol et il encaisse des coups assénés par un homme massif et musclé. Cet fois-ci le point de vue ne donne pas l'impression d'être dans la trajectoire des personnages. Par contre, Rus Wooton applique des onomatopées en gros caractères qui rendent compte de la brutalité des coups portés. Le lecteur sens bien que la chair est malmenée, et que les séquelles iront au-delà d'une chair simplement tuméfiée. Effectivement, le personnage tabassé porte les marques des coups portés… pendant un épisode, et puis elles semblent s'être résorbées comme par enchantement. Du coup, le lecteur éprouve des difficultés à prendre ces castagnes au premier degré. Il finit par les assimiler à des conventions narratives propres aux récits d'aventure, un simple passage d'action pour conserver un niveau de divertissement satisfaisant.


Néanmoins Robert Kirkman n'est pas le premier scénariste venu, avec 2 séries à succès ayant dépassés chacune la centaine d'épisodes : Walking Dead et Invincible. Le lecteur se doute qu'il a conçu une intrigue sur le long terme, cohérente et consistante. Ayant terminé ce troisième tome, il se rend compte qu'il l'a lu 3 fois plus vite qu'un comics de superhéros de la même pagination. Il a eu le plaisir de bénéficier des dessins d'une grande cohérence visuelle, portant la narration de manière impeccable. Les différents personnages se reconnaissent au premier coup d'œil, alors que les dialogues ne rappellent pas systématiquement leur nom. En fonction des séquences, Sydney est mielleux jusqu'à l'écœurement, ou alors il est inquiétant jusqu'à l'angoisse. Mildred est toujours aussi revêche et antipathique. Chaque individu présente une morphologie normale, portant une tenue ordinaire, mais différenciée de celle des autres.


La petite ville de province conserve son caractère : petites maisons individuelles bas de gamme avec cave, lignes téléphoniques aériennes, arbres dépouillés (le récit doit se passer à l'automne car Barnes est obligé de ratisser les feuilles) régulièrement présents, station à essence de petite taille sans beaucoup d'activité, ameublement bon marché, etc. Les images montrent une ville avec des constructions éloignées, où il est obligatoire de disposer d'un véhicule pour se rendre d'un point à un autre, sans grande activité dans les rues, propice aux petits secrets entre voisins. L'artiste prend bien soin de conserver les différents éléments dans un registre bon marché, faisant passer l'idée qu'il s'agit d'une petite bourgade avec des habitants appartenant au prolétariat, ou au bas de la classe moyenne. Il établit une ambiance guère folichonne en phase avec le fond du récit, renforcée par les couleurs tristes.


Kyle Barnes et le révérend Anderson sont baladés d'une situation à une autre, sans grande prise sur ce qu'il leur arrive. C'est cohérent avec le fond du récit qui veut qu'ils n'arrivent pas à cerner la nature de leurs ennemis, qu'ils ne les découvrent que par l'entremise des personnes qui viennent solliciter leur aide pour un nouveau cas de possession. Robert Kirkman fait passer avec conviction un sourd sentiment de culpabilité, lié à des non-dits, à des accusations supportées en silence, même si elles ne sont pas fondées, à des comportements inavouables devant des enfants (sans être de nature sexuelle), mais pesant sur différents personnages. Le lecteur apprécie que Kyle Barnes continue à ne pas être passif et qu'il continue à être observateur. Il n'arrive pas à anticiper, mais il ne se contente pas d'être une victime. Avec lui, il en apprend un peu plus sur Sydney et ce qu'il prépare. Il lit attentivement les conclusions que Barnes tire des faits qu'il a observé. Il essaye d'anticiper sur ce qui peut causer les cas de possession.


Mais au bout de 3 tomes, l'intrigue n'a guère avancé, les indices continuent à se compter sur les doigts d'une main. Les faits ne sont pas nombreux. Les personnages continuent de subir sans grand espoir. Le nombre d'ennemis semble important, ne laissant aucune chance à Kyle Barnes, et aux rares personnes qui l'aident ou qui le croient. Le lecteur n'éprouve pas beaucoup d'empathie pour le personnage principal ni même pour aucun autre, car Kirkman ne développe pas leur personnalité et leur histoire personnelle semble se limiter à un ou deux faits saillants. Il ne s'émeut pas quand il se rencontre que personne ne peut croire à l'histoire de Kyle Barnes et du révérend Anderson. Il ne retrouve pas de moment à l'ambiance aussi malsaine que dans le tome précédent. Il est finalement satisfait que ce tome se lise rapidement. Outcast n'est pas une série désagréable à lire, mais l'intrigue est décompressée et les dessins tout aussi compétents qu'ils soient ne le sont pas assez pour transformer l'histoire en un voyage visuel inoubliable. Le lecteur finit même par se lasser de ces inserts de forme carré qui mettent en avant un détail, comme s'il n'était pas assez intelligent pour lire et comprendre un dessin, au point qu'il faille l'aider en attirant son attention par ce dispositif visuel.

Presence
6
Écrit par

Créée

le 27 sept. 2020

Critique lue 46 fois

Presence

Écrit par

Critique lue 46 fois

D'autres avis sur Une petite lueur - Outcast, tome 3

Une petite lueur - Outcast, tome 3
Presence
6

Cas de possession mystérieuse dans une petite bourgade de province

Ce tome fait suite à Souffrance (épisodes 7 à 12) qu'il faut avoir lu avant. Il faut avoir commencé par le premier tome Possession (épisodes 1 à 6) car il s'agit d'une histoire continue, sans rappel...

le 27 sept. 2020

Du même critique

La Nuit
Presence
9

Viscéral, expérience de lecture totale

Il s'agit d'une histoire complète en 1 tome, initialement publiée en 1976, après une sérialisation dans le mensuel Rock & Folk. Elle a été entièrement réalisée par Philippe Druillet, scénario,...

le 9 févr. 2019

10 j'aime