The Worst of the Suicide Squad prélude au film de James Gunn en nous présentant les personnages-phares qui y seront mis en scène. Cette compilation d’histoires, dont certaines demeurent inédites en langue française, est l’occasion de prendre le pouls de super-vilains parfois méconnus.


La Suicide Squad est une organisation secrète états-unienne placée sous la direction de l’irascible Amanda Waller et de l’honorable colonel Rick Flag. Parmi ses membres les plus célèbres figurent Harley Quinn et Captain Boomerang, auxquels se joignent épisodiquement Bloodsport, Javelot, le Penseur, Ratcatcher, Peacemaker, Savant, la Fouine, Mongal, King Shark ou encore Polka-Dot-Man. Leur rôle est de prêter main-forte au gouvernement américain pour faire face à des menaces d’ampleur cataclysmique. Pour mieux comprendre de quoi il retourne, « Première mission » est tout indiqué. Ce récit de John Ostrander, Len Wein et John Byrne, paru plusieurs partie entre 1986 et 1987, nous présente une mystérieuse Forcé Spéciale X placée sous l’égide de la caractérielle Amanda Waller. Tandis que Brimstone menace le mont Rushmore, un groupe de super-vilains (dont Deadshot et Blockbuster) est réquisitionné pour mettre un terme à ses agissements.


The Worst of the Suicide Squad est un recueil de récits courts, dont la dimension psychologique est souvent sacrifiée sur l’autel du spectacle. On y découvre néanmoins une Harley Quinn lassée par une existence de criminelle éprouvée et prête à reprendre ses activités de psychiatre pour donner un sens à sa vie (« Vilains anonymes », de Rob Williams, Jim Lee et Sean Galloway, paru en 2016). Dans « Aux mains des rouges » (1988), Paul Kupperberg, John Ostrander et Erik Larsen intègrent dans leur histoire, aux côtés de la Doom Patrol et des Rocket Reds soviétiques, des révolutionnaires sandinistes et le KGB, donnant à leur récit une coloration politique qui prend véritablement sa pleine mesure lorsque les protagonistes se questionnent sur la légitimité de l’interventionnisme militaire. Enfin, « Ombres et spectres » (John Ostrander et Graham Nolan, 1988) fait remonter l’instigation de la Force Spéciale X à la présidence Truman tout en évoquant, avec habileté, la Commission Warren, les intérêts géopolitiques américains et les complots politiques.


« Les trois vagues de la mort » (Robert Kanigher et Ross Andru, 1959) invite à l’introspection. Les principaux personnages, dont Rick Flag, songent à leur passé tout en affrontant une menace indicible retournant contre eux chacune de leur tentative de destruction. « Devoir familial » (John Ostrander et Keith Giffen, 1988) sert avant tout à asseoir le tempérament abrupt d’Amanda Waller : elle entend évincer le concierge parce que ce dernier a laissé entrer sa fille dans son appartement et fait la morale à son athlétique beau-fils tout en apparaissant considérablement diminuée par rapport à lui, puisqu’on n’aperçoit que le dessus de sa tête dans les vignettes où ils conversent ensemble. On apprend par ailleurs au cours de ce récit qu’Amanda ne voit plus sa fille, un fait familial à mettre en parallèle avec l’histoire douloureuse de Captain Boomerang contée dans « Retour à l’envoyeur » (Geoff Johns et Scott Kolins, 2011). Fruit d’une relation adultère, le super-vilain a été un enfant mal aimé dont les fêlures psychologiques ont abouti à une rivalité exacerbée avec Flash.


Autres récits, autres enjeux. « Ratcatcher/Piège à rat » (Alan Grant, John Wagner et Norm Breyfogle, 1988) narre avec talent l’effroyable vengeance d’un hors-la-loi. « Dévoilés » (Gail Simone et Jim Fern, 2004) prend comme point de départ la formation d’un syndicat des hommes de main. « Plus dure sera la chute » (Dan Jurgens, 1986) se fend d’un méta-discours sur le monde médiatique et publicitaire, mais aussi sur l’économie des comics, « si calme qu’on entendrait presque les ventes chuter ». « Bloodsport » (John Byrne, 1987) revient sur les traumatismes du Vietnam et met en scène Superman et Lex Luthor. « Méchant chien » (Jeph Loeb et Dale Keown, 2001) présente Krypto, le fidèle compagnon de Superman, capable de voler et d’employer la thermovision, mais malheureusement trop dangereux pour être conservé par le super-héros. Enfin, « Le Visage de la mort » (Paul Kupperberg et Denys Cowan, 1986) a une résonance particulière, puisque des terroristes arabes et la prise de contrôle d’un avion de la British Airways y sont mis en scène face à un Vigilant dual et un Peacemaker incontrôlable.


De quoi mettre en haleine avant un film qu’on espère évidemment supérieur à son médiocre prédécesseur (David Ayer, 2016).


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le 15 août 2021

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