Au début du XVIIème siècle aux environs de la Marne apparait une jeune fille sauvage, sale et carnivore, aux ongles longs et menaçants, capable de hurlements et de grognements mais qui ne parle pas. Bientôt elle est recueillie par le vicomte local et prise en sympathie par les villageois, avant que ses protecteurs ne l’envoient au couvent afin de la ramener vers la société.


La narration est classique : une chronologie de sa vie française, de Songy sur la Marne à Paris où elle finira par s’éteindre de vieillesse, entrecoupée de flashbacks qui viennent fouiller son enfance et son errance. Enfant inuit confiée par sa mère aux colons français, elle grandit d’abord sur les terres neuves du Labrador avant de rejoindre Marseille où les soucis financiers de sa tutrice l’obligent à la vendre à une usine textile. Maltraitance, fuite, l’enfant et une amie survivent quelques années dans les forêts le long du Rhône. Retrouvée, elle s’éduque de couvent en abbaye. Entre phénomène de foire, manipulations et impératifs religieux, on retrouve les aspects habituels de l’homme sauvage au siècle des Lumières. Avec cette schizophrénie chrétienne qui prône l’amour et le pardon, qui élève les nonnes et les fidèles vers une éthique d’amour et de bienveillance, mais qui pratique le contraire : discipline, privations et peur.


Sans être un extraordinaire révélateur ni même offrir un quelconque suspense, Sauvage propose d’instruire le lecteur autour d’un des nombreux exemples d’enfant sauvage qui interrogeaient les philosophes des Lumières. Le dessin de Gaëlle Hersent y est très beau, un trait fin jamais figé, agréable et fluide, les couleurs douces d’aquarelle comme contraste à la misère sèche et rude de la vie contée là. L’aspect graphique de l’ouvrage est magnifique, et c’est celui-ci qui donne, de beaucoup, au livre son intérêt principal.
Le scénario est trop linéaire pour passionner, c’est le choix du témoignage qui induit la forme : les auteurs font le choix de raconter une histoire vraie, une femme réelle dans l’Histoire de France. Dès lors certaines manœuvres ne sont plus disponibles, et le carcan de la vérité et de la vraisemblance limite les possibilités épiques, et concentre le propos sur le point de vue. Comme souvent il est intéressant de constater que les personnages les plus sauvages de l’époque, comme de tous temps, ne sont pas nécessairement ceux que l’on désigne comme tels.


Sauvage, c’est beau et intéressant. Presque essentiel en ce sens qu’il est indispensable de se souvenir que l’homme survit d’abord par l’instinct. Mais ça ne reste qu’un classique témoignage. Superbe, coloré doucement et narré avec humanité, mais classique.


      Matthieu Marsan-Bacheré

Créée

le 9 nov. 2015

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