Il semblerait que le grand jour soit arrivé : je vais enfin écrire quelque chose sur Nous ne serons jamais des héros. C’est bête, mais ça fait plusieurs années que je contemple cette BD en me demandant comment l’aborder.
Ce n’est pourtant pas si compliqué. On y fait la rencontre de Michaël, un jeune trentenaire au chômage, un peu paumé et sans ambition particulière. Son père, Charles, du genre soupe-au-lait, vit reclus dans son village depuis qu’un accident de voiture a tué sa femme et l’a lui-même soumis à un lourd traitement. Il a peu de contact avec ses deux enfants, qui ont tendance à l’éviter, et carbure au whisky. Malgré leurs relations houleuses, il demande pourtant à son fils de l’aider à réaliser sa nouvelle lubie : faire un voyage autour du monde.
L’idée, maintenant, est d’essayer de comprendre pourquoi cet album et me touche à chaque fois autant que la précédente. Les choix du dessinateur, Frédérik Salsedo, semblent d’abord un peu étranges, comme s’il avait hésité entre le réalisme et la caricature sans arriver à se décider. Cet aspect est surtout présent durant les vingt premières pages, mais l’impression s’estompe à mesure que l’histoire avance et que les envolées « cartoonesques » disparaissent. Mais au-delà du dessin, ce sont l’histoire et les thèmes abordés qui m’ont frappé. Le père n’a en effet pas préparé son voyage au hasard, et chaque nouvelle destination est pour le duo une occasion de refaire connaissance, non sans difficulté. A travers le père et le fils, ce sont aussi deux générations aux vécus bien différents qui font le bilan de ce qu’elles peuvent s’apporter mutuellement.
En fait, Nous ne serons jamais des héros, dont le scénario est écrit par Olivier Jouvray, réunit une bonne part de mes propres craintes, contradictions et espoirs. Bien sûr, on peut se demander si son discours ne pèche pas par facilité et, de fait, il est sans doute discutable. Cependant, avec des idées similaires, le résultat aurait pu vraiment me gonfler si le ton m’avait paru trop moralisateur. Or ce n’est pas le cas et, malgré ses défauts, je crois que ses auteurs ont simplement trouvé le ton juste pour la réaliser. D’ailleurs, je suis prêt à parier que nous sommes des milliers à nous retrouver dans cette histoire.
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