Le Paris de la toute fin du XIXè siècle (et du début du XXè siècle), en équilibre entre tradition et modernité - symbolisée dans "Naissance du Tigre" par l'invention et le développement de l'électricité - est un monde fascinant dans lequel développer des histoires, policières et fantastiques. Sur le récit de Feldrik Rivat planent, comme il le revendique lui-même les ombres tutélaires d'Arsène Lupin (crimes atroces, esprit du Mal terrifiant, héros tourmenté vivant en marge et menant une double-vie) et... d'Adèle Blanc-Sec (!), parfaitement reconnaissable dans le personnage-clé de Mme Fouquart. On est donc ici en territoire délicieusement connu, très habilement recréé par le graphisme stylisé de Jean-Baptiste Hostache et ses couleurs beige-marron-brun qui maintiennent obstinément le récit dans une ambiance d'époque, sombre et oppressante...


La plus grande surprise vient donc du tournant que le récit prend à mi-course, avec la multiplication et "l'officialisation" des machines capables non seulement d'évoquer les esprits des disparus, mais également de les rappeler dans "le monde réel", aux risques et périls de ceux qui ont quelque chose à craindre d'eux ! "Naissance du Tigre" bascule donc, et Rivat confirme que c'était bien là son intention dans une longue postface, dans un récit uchonique : ce monde là n'est pas le nôtre, parce qu'il aura intégré ce portail vers l'au-delà grâce à la technologie. Cela peut être un sujet passionnant, et c'est bien ce qu'annoncent les dernières pages avec la création d'un nouveau type de police chargée du surnaturel : "Naissance du Tigre" était donc le pilote d'une nouvelle série, qui mettra en vedette l'Inspecteur Lacassagne, à la "gueule cassée" anachronique annonçant les horreurs de la Première Guerre Mondiale.


Si nous devons toutefois émettre une réserve - de taille - sur "Naissance du Tigre", c'est à propos de sa fin, à la limite de l'incompréhensible : tant narrativement que graphiquement, il est littéralement impossible de comprendre comment se dénoue le combat entre le spectre criminel, l'inspecteur et le tigre à l'oreille cassée. C'est quand même dommage, d'autant que ça crée un doute sur la capacité de Hostache et Rivat à mener à bien une histoire aussi complexe. La suite devra donc confirmer que nos craintes ne sont pas fondées...


[Critique écrite en 2020]
Retrouvez cette critique et bien d'autres sur Benzine Mag : https://www.benzinemag.net/2020/10/17/naissance-du-tigre-revenants-electricite-et-uchronie/

EricDebarnot
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le 15 oct. 2020

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Eric BBYoda

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