Petit plaisir londonien

Je l'ai probablement lu puis oublié il y a quinze ans, du temps où j'écumais les médiathèques de Paris (douces années).

Je garde un bon souvenir des collaborations entre Pierre Christin, cet excellent scénariste des années 1970-1990, et Jean Vern, dont le graphisme me rappelle un peu les séries à la Columbo.

On est ici dans la comédie macabre, un peu à la Ladykillers. L'enjeu tourne autour d'une valise contenant de mystérieux papiers autour d'un héritage. On croise un majordome pakistanais, une Jamaïcaine opulente, un fifils à maman faisant du cheval, un couple de Thénardiers.

Pourquoi macabre ? Car le texte faussement feutré des cartons (presque une parodie d'E. P. Jacobs) annonce clairement que des gens vont mourir dans la Tamise. Et l'on ne peut qu'attendre l'inévitable, avec tout un tas de petites spéculations.

Il y a aussi un goût pour les situations cocasses. L'album est très ancré dans la topographie londonienne, dont il nous montre les contrastes bigarrés, du quartier jamaïcain aux spots punks en passant par les parcs aux allées cavalières de la noblesse... en finissant par les docks. Faire se croiser ces populations qui ont vocation à rester chacune dans leur biotope est très amusant. Mention à la Jamaïcaine à cheval, tenue en bride par le lord anglais sous le regard incrédule des passants.

Et Christin était vraiment un esprit en avance sur son temps, car la plupart des hommes sont des crétins alors que deux femmes issues de minorité tirent leur épingle du jeu. Et une jolie morale, pas foncièrement irréaliste, qui tacle au passage la gentrification des docks.

C'est superbement construit, à la Hitchcock et ça se suit avec grand plaisir. Je suis heureux de retrouver ces sensations.