Beaucoup de méticulosité pour pas grand chose
Bon, c'est vrai que c'est rigolo de voir des personnages moches et médiocres s'entraîner à améliorer leur humour de BD sur le mode "parcours du combattant" ou "expérience de Frankenstein". Toutefois, le soin que met Lécroart à jouer avec les codes et les conventions de la BD est vite lassant. Il ne peut tenir en haleine que les professionnels de la BD qui peuvent apprécier l'allusion bien tournée, la superposition de sens ingénieuse, le détournement loufoque ou les brisures de rythme réjouissantes.
La planche 2 contient une nouvelle allusion à Tintin (Le Lotus Bleu); la première histoire joue la carte de l'expérience scientifique qui crée des mutants, et les perturbations dans le lettrage des textes et leur emplacement dans l'image ne manquent pas de charme. Le deuxième récit préfère la séance de gym intensive, et partage avec le dernier récit la métaphore guerrière. Le troisième récit est drôle par le tropisme sexuel imparable qu'il met en valeur dans toute dynamique humoristique, et qui en souligne du même coup la pauvreté et l'absurdité. Le quatrième récit joue sur l'inachèvement des répliques dans une image, soulignant la tendance du lecteur à compléter le texte qu'il attend dans l'image suivante par un contenu sexuel, attente toujours déjouée jusqu'à la dernière vignette. Le cinquième porte bien son nom : "itération séquentielle": la même série de cinq vignettes est abondamment répétées avec des dialogues différents, jusqu'à ce que l'itération elle-même se dérègle. Le sixième mêle la théorie du multivers avec des allusions sexuelles sous-jacentes. Le septième rejoue l'itération lourde d'allusions sexuelles. Le dernier fait se télescoper Milton Caniff, Buck Danny et les mangas dans une Guerre du Pacifique délirante entre BD franchouille et manga.
Rigolo, donc, mais toujours théorique. On dirait une pochade d'étudiants en arts graphiques se délectant de mettre des zizis sur les discours abstraits et jargonnants de leurs enseignants. Un album, ça va. Deux,...