Debout ! Vous comparaissez devant le tribunal des Compagnons du Diable !

- Ha ! Ha ! Ici le Diable, cher Ric Hochet !
- Le... Le Diable ? Oh ! Oh ! Très flatté de l'honneur que vous me faites de participer à cette émission.
- Oui, je sais, cela à l'air d'une plaisanterie, mais ce n'en est pas une...
- Tiens ! C'est bien imité en tout cas !
- Très prochainement, mes compagnons et moi nous vous mettrons vraiment à la question ! Vous relevez le gant ?
- Evidemment !

Le Diable dans l'Ombre

Après le douzième opus des aventures de Ric Hochet, intitulé "Les Spectres de la nuit", qui avait exploré l'univers du fantastique horrifique, le tandem André-Paul Duchâteau et Tibet revient avec une nouvelle incursion dans le paranormal avec "Les Compagnons du Diable". Cette fois-ci, ils visent à laisser une empreinte plus marquante en confrontant le célèbre journaliste à une figure emblématique, mythologique et métaphysique : le Diable lui-même. Choix audacieux qui vise à élever d'un cran l'intensité, le Diable se présentant ici comme un adversaire d'envergure avec sa posture satanique, intolérable, tout-puissant avec un pouvoir de décision absolu, agissant par pur plaisir et doté du don de clairvoyance prophétique. Duchâteau et Tibet entrelacent aussi cette thématique avec celle des confréries secrètes, puisée dans la littérature fantastique grand public. Ces deux dogmes se combinent habilement, créant une pièce théâtrale occulte efficace où le surnaturel de la conspiration se fond harmonieusement avec les membres cagoulés des Compagnons du Diable. Ainsi, l'enquête de Ric Hochet se démarque par un contraste riche en idées, tant sur le fond que sur la forme, offrant une aventure hors normes. Notre reporter, confronté à l'engouement collectif suscité par cette manifestation spectaculaire du Diable, se retrouve à gérer une fascination qui évoque une légende urbaine, créant une attraction mêlée d'inquiétude comparable à une histoire terrifiante que l'on narre à des enfants. Cela correspond parfaitement à sa dimension exceptionnelle, entraînant une réaction compréhensible de la part de la population, tandis que les institutions cherchent à exploiter cette situation en ressortant d'anciens films, comme en témoigne une sélection amusante de titres tels que "Le Diable par la queue" avec Yves Montand, "Le Diable boiteux" de Sacha Guitry, "La main du diable" avec Pierre Fresnay...



Abordons le personnage emblématique du Diable, que le récit et les illustrations exploitent de manière astucieuse pour maintenir son identité mystérieuse. En effet, on ne le voit que partiellement, affalé dans un fauteuil en forme d'œuf, les jambes croisées, les mains émergeant de l'ombre, créant ainsi une caricature imposante des grands méchants, à l'instar de l'Inspecteur Gadget avec son redoutable "Docteur Gang", James Bond et son emblématique "Ernst Stavro Blofeld" de l'organisation SPECTRE, ou encore le célèbre "Fantomas". Une aura de mystère est habilement entretenue tout au long de l'histoire, tandis que les Compagnons du Diable sont également présentés avec intelligence, que ce soit à travers leurs costumes ou leur mode de communication, ainsi que leur façon de régler les litiges au sein du tribunal des Compagnons du Diable. Des adversaires redoutables qui, avant d'incarner une menace physique, se manifestent comme une menace imperceptible et omnipotente capable de scruter les esprits, de devancer tout le monde, jusqu'à détenir un pouvoir de destruction totale, créant ainsi une menace constante qui se traduit par une atmosphère inquiétante. Ces conditions idéales offrent une série de rebondissements haletants, où l'on se délecte du jeu de chasse construit autour de Ric, mais également autour de la populace, tout en suivant la traque du journaliste envers cette identité insaisissable. La confrontation démarre dès la seconde page, suscitant vivement notre curiosité en présentant Ric Hochet sur un plateau télévisé, interviewé au cours de l'émission "Énigmes d'hier et d'aujourd'hui", où il sera défié par une voix au téléphone, celle du Diable.



...Il sait tout... Il est partout... Il devine tout... Marcus le Diable !...


Se déroule alors un jeu de piste ingénieux, combinant habilement énigmes et course-poursuite, qui aboutira à une confrontation finale empreinte de mysticisme. Cette dernière prend une tournure presque magique avec des bombes artisanales provoquant des explosions aux teintes chatoyantes, évoquant des sorts ensorcelants. Malgré cette finalité visuellement marquante, le voile entourant l'identité du Diable laisse transparaître une vérité décevante, révélant des motivations finalement peu élaborées. Heureusement, le complot orchestré par ce personnage demeure assez solide pour consolider l'intrigue, expliquant de manière convaincante les tenants et aboutissants de l'intrigue. Une révélation surprenante et inattendue au sujet de l'identité d'un des membres des Compagnons vient ajouter une couche de complexité à l'ensemble. Néanmoins, l'album ne manquera pas de ravir les amateurs de la franchise avec ses nombreux clins d'œil à d'autres albums antérieurs, tels que le tome 9 : "Alias Ric Hochet", ou encore le tome 2 : "Mystère à Porquerolles". Ces références contribuent à ancrer l'histoire dans la continuité de la saga, offrant une expérience enrichissante pour les lecteurs fidèles. De plus, l'album propose une entrevue captivante avec Ric, qui se dévoile en exposant ses réflexions profondes sur une enquête qu'il a récemment résolue, celle située à Mâlemort (présentée dans le tome précédent : "Les Spectres de la nuit"). Cette approche est intelligente car elle permet de dévoiler la complexité du personnage de Ric, qui n'hésite pas à partager ses vulnérabilités, ses doutes, le rendant ainsi bien plus humain et moins stéréotypé que d'autres enquêteurs de sa trempe provenant d'autres bandes dessinées.



Ric Hochet surprend ici en adoptant une approche initiale décontractée à l'égard de cette affaire, la considérant au départ comme un simple canular, tandis que son fidèle ami, le commissaire Bourdon, prend l'enquête très au sérieux. Cette inversion des rôles, inhabituelle par rapport à leur dynamique habituelle, évite la redondance et met en lumière une fois de plus les imperfections de Ric. Il est intéressant de constater que le commissaire Bourdon et l'inspecteur Ledru jouent un rôle essentiel dans cette affaire, venant au secours de Ric au moment critique. Cette initiative de Bourdon démontre que Ric n'est pas le seul maître du jeu et qu'il dépend également de ses collègues. Une note humoristique s'ajoute à cet épisode via ce duo, avec une case où Ric et Bourdon se tiennent de manière amusante devant un bâtiment, accompagnée d'une remarque humoristique rendant hommage à deux autres enquêteurs : "J'ai l'impression que nous faisons très Dupond-Dupont". Le professeur Hermelin fait également son retour, révélant un rôle inattendu et crucial. La mise en avant inhabituelle de ces personnages semble être délibérée, peut-être pour souligner l'influence du Diable sur eux. Parmi les nouveaux venus, Marcus, le Diable de la scène, se distingue par son apparence convaincante avec son nez crochu et son expression sardonique, évoquant une sorte de Houdini démoniaque assez convaincant. Félicitations à Tibet pour ses dessins toujours plus convaincants, qui atteignent ici une maturité évidente. La mise en image est étonnante, offrant des cadres intelligents avec des vues en contre-plongée qui nous immergent littéralement dans l'image. Les dessins sont sublimés par une colorisation magnifique, exploitant habilement les contrastes pour rendre une palette de couleurs symboliques, jouant avec les ombres, la chaleur, et bien plus. De plus, les décors, notamment celui de l'Arc de Triomphe, sont une fois de plus d'une grande qualité.



CONCLUSION :

Le treizième tome des aventures de Ric Hochet, "Les Compagnons du Diable", offre une incursion captivante dans le fantastique en confrontant notre célèbre journaliste à la figure emblématique du Diable. Une enquête riche, mêlant le paranormal, la conspiration, et l'humour caractéristique de la série Ric Hochet, à travers un jeu de piste ingénieux où le mystère et les rebondissements se conjuguent efficacement.


Une lecture recommandée pour les amateurs de Ric Hochet en mode fantastique horrifique.

Trop tard ! Bonsoir de bonsoir ! Toujours trop tard !!!

Créée

le 22 nov. 2023

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