La famille Fun
6.5
La famille Fun

Comics de Benjamin Frisch (2016)

Regardez-moi cette couverture, Messieurs Dames : la Famille Fun, tout le monde sourit et salue la gentille personne déposant son regard dessus, avec ces enfants qui semblent porter le bonheur dans leurs bras. En plus, ils sont dans un joli cercle, sur fond de bandes blanc/rouge. Et dès que tu ouvres le livre, sur les 4 premières pages, la famille se complimente entre eux. C'est Pétain qui rêve d'Amérique. Alors, on se dit : "Putain, qu'est-ce que je m'apprête à lire ?", en se suggérant en arrière-pensée que cela sera efficace comme détente. Et puis, page 8 : la grand-mère décède.
Et ça part en vrille. Sérieux. NE VOUS FIEZ PAS A CETTE COUVERTURE.
On passe le reste de la lecture à se dire : "Putain, qu'est-ce que je suis en train de lire ?!".
Je crois sincèrement n'avoir jamais lu de BD aussi malsaine, c'est dire. Pourtant, le style graphique est à l'image de sa couverture: excepté l'éclairage sur certaines séquences, tout est sobre et simple. Ce qui rend la BD vraiment glauque, c'est tous les sous-entendus religieux et dépressifs qui s’instruisent dans une histoire qui, à priori, n'avait rien à voir avec ces névroses ; et Dieu que ça fait flipper, tellement cette BD met les liens finalement en évidence !
Si vous voulez, dans cette BD, il y a un divorce, provoqué par un père qui a révélé à son fils une planque où il s'imaginait une famille imaginaire avec des figurines en porcelaine (son fiston voulait juste lui parler du décès de la grand-mère... Ça ferait presque sourire ce sadisme). Le père fait une telle dépression qu'il décide d'exploiter littéralement son fils ; la mère se réconforte auprès d'un médecin manipulateur, puis se réfugie dans les théories d'un gourou, tout ça pour éviter de parler avec ses enfants ; la fille, obsédée par sa grand-mère, instaure une omniprésence religieuse dans son quotidien, quitte à faire des choses complètement tarées ; le deuxième garçon de la famille n'oppose aucune résistance à rien, et devient transparent dans les décisions familiales... Quant au bébé, son premier mot est "Gourou". Et il appelle sa mère par son prénom. Seul le premier fils semble garder un peu de recul face à tout ça, et littéralement, c'est uniquement parce qu'il paie les factures. Non, croyez-moi, je spoile pas grand-chose.
Cette BD est folle. Je suis admiratif des auteurs: bien joué les mecs. Vraiment. Vous m'avez tendu un piège, je suis tombé dedans, et vous avez réussi à me mettre mal à l'aise pendant une heure. Ça ne m'était plus arrivé depuis longtemps, et l'effet n'a pas raté. En plus, vous avez réussi à caser le parfait malaise à la toute-fin : rien qu'avec ça, on ne ferme pas le livre serein.
Dommage, malgré tout, qu'il y ait des longueurs, et quelques soucis de rythme. De plus, il y a une insinuation comme quoi la grand-mère serait réellement un fantôme, et là c'est carrément too much et légèrement hors de propos. Mais ce sont des pensées qui me sont venues après la lecture : pendant, j'étais tout simplement exalté par ce crescendo psychotique auquel je ne m'étais absolument pas préparé. Comme quoi, c'est vraiment dans les choses les plus communes que l'horreur se fait le plus explicite.
Prends-toi ça dans les dents, Pétain et Oncle Sam : la famille est une accumulation de croyances.

Billy98
8
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le 15 févr. 2019

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Billy98

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