Surprenant malgré une narration pataude

Ce tome comprend un récit complet qui nécessite un minimum de connaissances préalables sur les Inhumains. Il contient les 5 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2018, écrits par Donny Cates, dessinés et encrés par Ariel Olivetti et mis en couleurs par Jordie Bellaire. Les couvertures originales ont été réalisées par Kaare Andrews. Il contient également les couvertures alternatives réalisées par Javier Garrón, Russell Dauterman (*2), Greg Hildebrandt, Marco Chechetto, Aaron Kuder, Pepe Larraz, Mike del Mundo.


Il y a plusieurs millénaires de cela, les Krees (une race extraterrestre) ont essaimé les galaxies pour créer des soldats à envoyer dans leur guerre contre les Skrulls. Ils ont réalisé des modifications génétiques sur des êtres humains, des races extraterrestres (Incentaurian, Badoon, Kymellian, Wraith) pour créer des supersoldats. Mais l'Intelligence Suprême des Krees a prédit l'annihilation de leur empire, causée par le Roi de Minuit, un individu issu de ces expériences génétiques. Du coup, il avait déclaré l'arrêt immédiat des expérimentations, et la destruction de toutes les tribus d'individus génétiquement modifiés, à l'exception de 5. Au temps présent, les Krees ayant le pouvoir ont envoyé un message aux descendants des 5 tribus restantes : se joindre à eux ou mourir. Le message est gravé sur les cadavres de leurs victimes. À bord du vaisseau des Inhumains, Blackagar Boltagon (Black Bolt) note scrupuleusement le nom de chaque personne dont il voit le cadavre, en silence. Dans le même temps, il pense à Rome, au fait qu'elle ne s'est pas bâtie en un jour et aux circonstances dans lesquelles elle est tombée.


Blackagar Boltagon est tiré de sa tâche par Medusalith Amaquelin (Medusa) qui lui indique que le vaisseau arrive à destination et que son peuple a besoin de son roi. Il remet sa cagoule et sort du vaisseau pour rejoindre Crystal Amaquelin, Triton, Gorgon Petragon, Karnak Mander-Azur et Lockjaw. Ils pénètrent ensemble dans le bâtiment qui doit abriter le conseil des 5 tribus. Black Bolt a déjà pris sa décision quant à l'injonction des Krees : il ne compte ni mourir, ni se soumettre, mais déclarer la guerre. En pénétrant dans la salle de réunion, les Inhumains découvrent les cadavres des représentants des 4 autres tribus, en particulier de leurs reines la matriarche Oola Udonta, la reine Aladi Ko Eke, la première élue Onomi Whitemane, la déesse Avoe. Triton s'approche de la seule personne encore vivante qui communique par télépathie avec lui. Elle indique que le message a été laissé par un individu masqué appelé Vox. Elle rend l'âme et la bombe implantée en elle explose. Les Inhumains en réchappent de peu et Black Bolt comprend l'objectif réel de ce message. Ils remontent précipitamment à bord de leur vaisseau spatial pour regagner Arctilan.


En 2014, l'éditeur Marvel a mis les petits plats dans les grands pour donner plus de visibilité aux personnages de la race des Inhumains, avec une puis deux séries mensuelles, peut-être pour accroître la visibilité d'une communauté vivant à l'écart de l'humanité, peut-être dans l'idée de faire fructifier cette franchise au cinéma. Finalement en 2018, les 2 séries encore en cours Black Bolt et The Royals s'arrêtent au bout de 12 épisodes, et l'éditeur publie une minisérie annonçant leur mort dans son titre. Elle est écrite par Donny Cates, jeune scénariste à la popularité croissante chez Marvel en 2018, à la fois pour une série inventive comme Venom avec Ryan Stegman, à la fois pour un personnage improbable comme Cosmic Ghost Rider avec Dylan Burnett. L'œil du lecteur commence par être attiré par les couvertures de Kyle Kaare Andrews (par exemple auteur de Renato Jones) macabres et sinistres à souhait, que ce soit ce crâne avec les visages grimaçants de inhumains se reflétant sur le masque, ou les mèches de cheveux de Medusa qui sont représentées comme des ruisseaux de sang. Le lecteur apprécie également la rapidité du récit : dès le premier épisode le carnage a commencé, avec l'exécution de dizaines d'Inhumains, et la mise à mort des 4 reines, ainsi que la mort d'un inhumain de la famille royale.


Bien sûr, le lecteur n'est pas dupe : il sait que les personnages constituent le patrimoine de l'entreprise Marvel, et que cette dernière ne va pas jeter son capital par les fenêtres en réduisant son nombre de propriétés intellectuelles. Il sait aussi que pour régénérer l'intérêt de certains personnages, il peut s'avérer efficace de les retirer du devant de la scène, et de les laisser reposer quelques temps. Même si les personnages reviendront par la suite, un scénariste habile peut créer une tension narrative et capter l'attention du lecteur en le surprenant dans sa manière de faire. De fait, Donny Cates fait dans l'efficace : l'historique des Inhumains et des 4 tribus tient en 3 pages. Vient ensuite un dessin en double page montrant des cadavres flottant dans l'espace à proximité de la Lune. Le scénariste maintient un rythme soutenu avec la mort des 4 reines, l'apparition de l'ennemi Vox dans le premier épisode. Il garde son élan dans le deuxième épisode, avec Karnak servant d'envoyé plénipotentiaire devant les chefs Krees, et une mutilation aussi énorme qu'imprévisible. En assistant à cet acte sadique, le lecteur se doute qu'une partie de ce qu'il lit sera annulé ou effacé dans un proche avenir, voire avant la dernière page de la minisérie. Mais ça n'annule pas l'effet de surprise, ni la perspicacité du scénariste qui sait appuyer là où ça fait mal.


Le lecteur plonge donc un jeu de massacre dont il n'est pas dupe, mais bien construit, avec des conséquences pour les personnages qui souffrent du fait la méchanceté sadique de ce qu'ils subissent, car ça les atteint personnellement. Pour mettre en images ce carnage, Ariel Olivetti a choisi de dessiner de manière traditionnelle, avec des contours détourés par des traits encrés, et non comme il a pu le faire auparavant avec une forme de couleur directe à l'infographie. Il utilise un trait fin et sec pour détourer les formes, ce qui donne une apparence fragile à certains personnages, mais qu'il contrebalance avec la mise en place d'aplats de noir qui viennent donner du poids aux cases. Très rapidement, le lecteur constate que l'artiste s'intéresse plus aux personnages qu'aux décors. S'il éprouve un doute à ce sujet, les 8 pages consécutives dépourvues de fond dans l'épisode 4 lui fournissent l'occasion d'en avoir le cœur net. Il fait l'effort de représenter les environnements les plus importants au moins le temps d'une case par page, comme par exemple le bâtiment devant abriter le conseil des 5 tribus, quelques couloirs et salles du vaisseau des Inhumains (avec des dimensions gigantesques), la plaine où Medusa, Gorgon, Karnak et Crystal vont chercher un allié, ou encore les couloirs et salles du laboratoire des Krees où se déroule l'affrontement final. Jordie Bellaire (coloriste dont le talent lui fait mériter le titre d'artiste) a pris le parti de combler les fonds de case par des camaïeux assez basiques, à base de dégradé progressif de la couleur dominante. Il s'agit d'un habillage qui ne permet pas de masquer le vide.


La narration visuelle d'Ariel Olivetti est claire et efficace, avec des plans de prise de vue simples. Il y a un certain nombre de cadrages allant du plan poitrine au très gros plan, dès que le récit passe dans une phase de dialogue, avec des postures ordinaires qui ne constituent pas un langage corporel révélateur de l'état d'esprit des personnages. De même, le registre des expressions de visage reste assez réduit, entre la neutralité, la colère, la résignation, la pugnacité, sans beaucoup de nuances. Du coup la narration visuelle donne une impression un peu plate, avec peu de moments qui ressortent pour leur caractère spectaculaire, horrifique ou émotionnel. Par exemple, les cadavres flottant dans l'espace à proximité de la Lune ne présentent pas de caractéristiques à même de susciter de l'empathie ou du dégoût chez le lecteur. Au fil des séquences, le lecteur retient la présence physique de Vox, le calme inaltérable de Karnak face aux chefs Krees, la page de mutilation (pas très graphique, mais horrible du fait de son pragmatisme), ou encore le langage des signes utilisés par Black Bolt. Le lecteur peut comprendre que l'artiste n'ait pas souhaité abuser du sensationnalisme avec des cadrages aux perspectives exagérées, ou des gros plans répugnants, mais il finit par ressentir un manque de spectaculaire pour des événements sortant pourtant de l'ordinaire.


Donny Cates raconte l'extermination annoncé des Inhumains, avec un rythme soutenu et une inventivité qui tire sa richesse de l'utilisation intelligente des éléments de la mythologie des Inhumains, tout en restant intelligible par le plus grand nombre. Le lecteur est séduit par la dérouillée que leur flanque Vox et les Krees, et par les conséquences des batailles (même s'il garde au fond de son esprit leur caractère forcément éphémère). Au fil des épisodes, il ressent le manque d'ampleur de la narration visuelle qui semble rester trop froide par rapport à ce qu'elle raconte. Il voit bien aussi que le scénariste revient à un schéma narratif très classique pour terminer son récit dans les 2 derniers épisodes. Le lecteur ressort de cette minisérie avec un sentiment partagé entre un jeu de massacre bien organisé, des dessins un peu plats, et une fin convenue.

Presence
6
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le 11 avr. 2020

Critique lue 65 fois

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