Robin des Bois erre en forêt de Rambouillet avec son fidèle Petit-Jean. Malheureusement atteint d’Alzheimer, Robin souffre de l’ennui et de la solitude du vieil homme qui voit venir son heure, malgré la compagnie dévouée de son compagnon.

L’album est découpé en épisodes, ce qui donne un rythme de lecture agréable et entraînant, et occasionne de nombreuses introductions bucoliques pleines de charmes et d’humour. Les dialogues sont excellents, souvent, et c’est largement assez drôle pour que je pouffe de rire à plusieurs reprises. Le trait précis de Manu Larcenet esquisse des visages communs mais marqués de caractères, fortement identifiables, et s’adapte à chaque personnage avec un art narratif particulier, où le physique dit beaucoup sur l’homme. Robin est le premier à en souffrir évidemment, vieillard pathétique d’égoïsme et de folie derrière le double foyer d’épaisses lunettes, mais le shérif de Nottingham, chapeau de cowboy et santiags, comme tout droit sorti de son Far West, avec la nostalgie cynique de ses raids contre les apaches, est une belle réussite également, sans oublier l’apparition spéciale de Lord Greystoke, venu faire le Tarzan pour chasser Robin loin des terres de Nottingham, vers une autre forêt. Le contrepoint anachronique parfait pour une confrontation absurde à souhait !

Un aspect conte se développe sur deux épisodes, qui auront des répercussions jusqu’à la fin de l’aventure. La nature divine s’exprime par la voix des arbres, enfin de ceux qui acceptent d’adresser la parole au vieux Robin, et notamment Vénérable, le sage. L’arbre l’invite à rattraper le temps perdu de ses regrets pour mourir tranquille, et voilà Robin parti en quête de Lady Marianne. Après de très bons gags aux détours des chemins, avant d’autres dans le silence solitaire de la forêt, c’est l’occasion d’une escapade en ville pour Robin et Petit-Jean.
Un humour décalé pourtant empreint d’une rare crédibilité, savamment spontanés, les dialogues sont savoureux, Manu Larcenet a l’art de la concision expressive : des phrases et des tournures qui disent beaucoup du caractère de chaque personnage, avec une sublime véracité.

C’est plaisant, c’est drôle, c’est facile à lire. Sans prétention, c’est à la fois dérisoire et essentiel. Manu Larcenet détourne le mythe de Robin des Bois et, lui retournant dans la plaie les affres des regrets du grand-âge, nous offre un bel album de rires, où tout est mesuré, dosé au millimètre. Du grand art de rire !

Matthieu Marsan-Bacheré
Matthieu_Marsan-Bach
8

Créée

le 15 mars 2015

Critique lue 432 fois

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