Ah, Robin des Bois. Quel personnage fascinant et troublant, pas forcément facile à cerner lorsqu'on est petit. Bien qu'on nous apprenne très tôt à percevoir le vol comme un acte répréhensible, ce "voleur" nous est présenté comme le gentil de l'histoire ! Pourquoi ? Parce qu'il vole les puissants et les riches pour donner aux pauvres et aux opprimés, rééquilibrant ainsi la balance de la justice. Donc ce n'est plus du "vol", mais du "partage". Ok... Mais quand-même, quel bazar dans nos têtes...


Dans l'imaginaire collectif, Robin des Bois est un gentil brigand sorti tout droit de l'Angleterre médiévale. Il prend les traits d'un rebelle connaissant la forêt de Sherwood comme sa poche, agile, assez bon au tir à l'arc, haut en couleurs _avec une préférence certaine pour les tons verts. Plutôt bon camarade, il devient grave insolent en présence de richards. Il a de nombreux amis, s'entoure de personnes de confiance et tient en respect ses ennemis _le shérif de Nottingham, le Prince Jean et son orchestre. Voilà pour le portrait robot.


Manu Larcenet a revisité ce personnage de légende, mettant un bon coup de balai dans nos représentations : quarante-deux ans après les hauts faits qui l'ont rendu populaire, Robin des Bois a déménagé dans la forêt de Rambouillet, avec pour toute escorte le fidèle Petit Jean, son ami, son esclave, son cuisinier, son garde-fou... Le temps n'a pas été clément avec le justicier, maintenant atteint de la "maladie du Sieur Alzheimer", ce qui lui vaut de se mettre à chanter inopinément des tubes de Carlos et d'Annie Cordy. Seul remède à ses crises : les coups de gourdin que Petit Jean lui assène sur le crâne. Le procédé est un peu brutal, mais le fait est que cela lui remet les idées en place. Robin des Bois reste fidèle à ses principes, quand il s'en souvient : voler les riches pour donner aux pauvres. Vieux, édenté, acariâtre, il n'en est pas moins un hors-la-loi, et le shérif de Nottingham qui semble tout droit sorti d'un western veut sa peau, plus que jamais ! Mais il en faudra plus pour impressionner le brigand, plus préoccupé par ses questions existentielles que par les ruses de sioux que son traqueur déploie.


Questions existentielles


Dans cette BD, vous ne verrez pas Robin des bois harponner du riche, ou du moins pas de façon volontaire. Il a pour ainsi dire la tête ailleurs. Son esprit se perd dans la rêverie, dans la contemplation de la nature. En effet, Robin des bois fait le point son existence de justicier, s'interroge sur le sens de sa vie et se laisse aller à la mélancolie... on pourrait même dire qu'il déprime légèrement ! Voler les riches pour donner aux pauvres, était-ce vraiment un bon plan ?


Attention, ces considérations n'enlèvent rien au potentiel comique du personnage, ni de la BD. Sachez simplement qu'il ne faut pas s'arrêter à la couverture de l'oeuvre, qui laisse entendre qu'on va avoir affaire à une succession de gags plus hilarants les uns que les autres ; non, l'intérieur de l'album nous fait rire jaune, même s'il nous fait bel et bien rire !


Tourné vers la mort, se sentant diminué, le fier Robin des Bois s'inquiète comme tout un chacun du sort qui lui sera réservé dans l'au delà. Il suppose que c'est l'Enfer qui l'attend : quand on a passé sa vie à voler des gens, même pour la bonne cause, on n'a certainement pas mis toutes les chances se son côté. Pris de panique, il appelle Frère Tuck _ qui est devenu pape et qui a un peu pris le melon_ pour recueillir sa confession. Ironie du sort, lorsque l'ecclésiastique arrive enfin de Rome, il n'arrive plus à se souvenir de ses péchés.


Robin des Bois le sait bien : il n'est pas un ange, mais enfin, il y a pire que lui ! Alors, pourquoi a-t-il été touché par la "terrible affection du sieur Alzheimer quand tant de fieffés gredins n'ont que des rhumes" ? Si le destin s'acharne, c'est peut-être pour le punir de quelque chose. Comme Dieu ne l'aide pas beaucoup, il s'en remet esprits sylvestres de la forêt de Rambouillet, plus loquaces. Christianisme, paganisme, quelle importance quand on a besoin d'aide et qu'on veut juste être rassuré et guidé dans son parcours ? Effectivement, il n'est pas impossible que le bandit au grand cœur ait manqué à ses obligations, à un moment de sa vie...


Dès lors, une nouvelle quête se présente à lui : retrouver sa chère Lady Marianne, l'élue de son coeur, retenue prisonnière du Prince Jean depuis des décennies. Rien de tel qu'une bon objectif à atteindre pour se tirer du ventre mou de la dépression ! Robin des bois et Petit Jean quittent donc le calme de Rambouillet pour s'aventurer à Nottingham, son vacarme, ses cités. Oui, les frontières spatio-temporelles sont très poreuses, dans cette bande dessinée, et les situations à venir auront un petit air des Visiteurs. Pas facile de s'accoutumer à la ville du XXI°siècle lorsqu'on ne possède que des codes sociaux moyenâgeux et qu'on a un shérif du XIX° à ses trousses. Heureusement, ils feront la rencontre de Kader, jeune graffeur connu "comme le chou blanc" dans la cité, qui s'imposera comme éclaireur...

Créée

le 11 avr. 2020

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