La Bête humaine
6.7
La Bête humaine

BD franco-belge de Dobbs et Germano Giorgiani (2018)

Roubaud, employé au chemin de fer vient de se faire sermonner par son chef d’exploitation parce qu’il s’était opposé au sous-préfet et son chien. Il échappe de peu à la mutation grâce aux appuis du parrain de sa femme, le président Grandmorin qui est un des administrateurs de la Compagnie ferroviaire. Mais voilà, devant le refus de sa femme à aller passer quelques jours chez son protecteur pour le remercier en personne dans sa propriété de Donville, il comprend à demi-mot que sa femme a été abusée par celui-ci alors qu’elle était plus jeune. Fou de jalousie, le mari ne peut pas le supporter et décide de se venger en tuant cet homme. Pensant sceller son couple, il impose à sa femme, Séverine, de l’aider à réaliser sa vengeance dans un train roulant à plus de 80Km/h. Néanmoins, il y a un témoin de ce meurtre…


Honte à moi, je n’ai jamais lu cet ouvrage de Zola. Je ne sais pas pourquoi mais j’ai été hermétique à certaines œuvres durant mes années lycée, peut-être par paresse ou par esprit de rébellion car ces lectures étaient obligatoires. Cela ne m’empêchait pas de lire. Mais uniquement ce dont j’avais envie et pas forcément tout ce qui m’était imposé. Je pense que cette attitude a fait que je suis passé à côté de certains classiques comme celui-ci et je le regrette, avec l’âge. C’est pourquoi lorsque j’ai vu que Dobbs s’était attelé à l’adaptation de « la Bête humaine », j’ai eu envie de l’acheter aussi bien pour mon fils que pour moi afin de découvrir l’œuvre sous un angle moins scolaire. Et comme c’est aussi cela la magie de la BD, après avoir dévoré l’album, j’ai décidé d’inscrire le livre dans ma liste des prochaines lectures afin de me faire ma propre opinion sur le texte original.


Il est vrai que je ne l’ai pas lu à proprement parlé mais cela ne m’empêche pas d’avoir lu des choses sur le sujet et je crois que l’adaptation de Dobbs diffère quelque peu du roman. C’est tant mieux car quelqu’un qui aurait lu l’original pourrait s’ennuyer. En effet, ici pas de contexte qui inscrive « la Bête humaine » dans un ensemble plus vaste de relations transgénérationnelles mais plutôt un thriller bien ficelé et abordant la psychologie ainsi que les différentes motivations des personnages. De plus, je n’ai peut-être pas compris, mais pour moi, il n’y a pas qu’un seul « héros », si tant est que l’on puisse l’appeler ainsi, dans cette BD. Jacques Lantier partage cet honneur avec Séverine, Roubaud et Lison. Parce que le scénario veut que « la Bête humaine », se manifeste aussi bien dans la maladie de Jacques que dans l’agression du président Grandmorin (par Roubaud) mais aussi dans la manipulation de Séverine (quand elle veut que Jacques tue pour elle). Enfin, « la Bête humaine » c’est également la place que prend la locomotive dans l’histoire ainsi que sa personnification en tant que dame du rail.


Chez Zola, on a une profusion de personnages, c’est le cas ici aussi, où l’on peut découvrir de nombreux personnages secondaires. J’ai été assez surpris car même si l‘histoire est intéressante et maintien l’intérêt du lecteur par le traitement sous forme de thriller, la plupart des protagonistes ne sont pas vraiment sympathiques ni attachants. On s’intéresse mais on ne s’enthousiasme pas pour les différents « acteurs » dont les trajectoires de vie ne sont pas très réjouissantes et même, osons le dire, carrément déprimantes parfois. C’est du drame à l’état pur même la fin ne laisse pas présager une lueur d’espoir mais Dobbs n’y est pour rien : dans l’œuvre de Zola, il existe une sorte de « déterminisme social » qui marque chaque individu par ses origines et son milieu social (les personnes venant d’un milieu modeste ne peuvent pas espérer « mieux », selon l’écrivain du XIXeme siècle).


L’aspect dramatique du récit se transpose dans les couleurs sombres qui jouent énormément sur le ressenti que l’on perçoit à la lecture de l’album. De même le trait réaliste de Germano Giorgiani arrive à rendre parfaitement les émotions, que ce soit la colère, le dégoût ou la violence déformant les visages. Le coup de crayon de l’auteur met en exergue l’aspect torturé des âmes que l’on pourrait penser damnées. Le découpage des cases donne souvent une impression d’oppression et rend parfois mal à l’aise. A part quelques cases ou rares pages qui mettent en valeur la locomotive et le réseau ferré, les paysages et décors extérieurs ne sont pas tellement représentés. Beaucoup de scènes se déroulent à huis clos, ce qui accentue l’atmosphère lourde. Graphiquement parlant tout a été étudié pour coller parfaitement au récit. C’est plutôt une des sorties réussies de la rentrée, vouée à un certain succès. Cette BD est en concurrence avec une autre œuvre de Dobbs sortie fin août, chez le même éditeur, Nicholas le Floch son « énigme des blancs manteaux » dont j’espère vous parler prochainement.


Version illustrée :
http://www.artefact-blog-bd.com/recit-complet/la-bete-humaine/


Interview de Dobbs :
http://www.artefact-blog-bd.com/auteurs-bd/dobbs/

Playmo44
8
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le 19 sept. 2018

Critique lue 159 fois

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