Sélectionné en Hors compétition pour le Prix Asie de la Critique ACBD 2020, Himizu traite de collégiens qui s’imaginent une vie qu’ils n’auront pas, quand bien même leurs objectifs ne sont pas inatteignables. Qui a dit que la vie était juste ?
Un nouveau jour se lève
Le point de départ du manga est un postulat fait par le personnage principal, Sumida. Il se voit comme une personne normale, un homme moyen qu'une vie banale attend. Il a déjà prévu d’arrêter les études après le collège pour travailler : « Ça me rendra pas très heureux, mais il m’arrivera pas de grand malheur non plus. »
La suite d’Himizu va s’attacher à déconstruire ce projet de vie. Il suffira d’un événement pour que l’existence de Sumida bascule. En l’occurrence le départ de sa mère, le laissant seul avec un peu d’argent. C’est la fin de la « normalité » pour notre héros.
Au fond du gouffre
À l’instar de la chimie Himizu va alors étudier le changement. À la fois chez Sumida mais aussi chez les personnages qui gravitent autour de lui. L’intrigue s’organise principalement autour d’un 3 + 1 : Sumida, son meilleur ami Shôzô et Chazawa, une fille de sa classe qui en pince pour lui tout en étant parfaitement lucide sur le comportement de Sumida. Le 4e mousquetaire revient de manière plus irrégulière : il s’agit de Kiichi. On peut en faire l’opposé de Sumida : il a un rêve bien précis en tête (devenir mangaka) et il va le mener à bien.
Par rapport à eux, d’autres personnages seront croisés (collègues de travail, mafieux, agresseurs, brûleur de cartons...) principalement au fil des déambulations de Sumida, que ce soit via le petit boulot dans un pachinko qu’il occupe quelques temps ou via ses balades pour trouver « un sale type » et le tuer... Oui, vous avez bien lu : en bon samaritain, Sumida veut œuvrer au bien commun à sa manière, moyen de racheter une faute qu'il a commise.
Un plan presque parfait
Mais un paradoxe se dévoile rapidement : Sumida veut être utile aux autres mais il passe à côté de ce qui arrive à ses amis (Shôzô et Chazawa). Sumida ne leur viendra pas en aide, ils devront se débrouiller seuls. La compassion et la solidarité ne sont pas pour notre héros, trop « malade » pour voir ce qui ne tourne pas rond chez lui et autour de lui.
Himizu n’est donc pas un manga qui respire la joie de vivre. Pour autant on peut rire en voyant les décalages créés par l’auteur entre le tragique des situations et l’aspect un peu cinglé des personnages. Certes le rire tourne parfois au cynisme quand on voit de l’ijime, des coups de couteau donnés, un braquage qui foire, des tombes creusées, des jeunes délaissés (la cellule familiale brille par son absence et la seule institution qui se préoccupe de Sumida c’est la police !)…
Seul au monde
La série est donc traversée par un mouvement général, où l’humour des premières pages laisse place à une atmosphère bien plus dramatique, parfois absurde, conclue par un final des plus percutants. Himizu c'est l’ère du vide qui s’empare de la jeunesse, une lecture parfois éprouvante mais qui en vaut la peine.
Pour une version remaniée et illustrée de cette critique voir ici.