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Ce nouvel opus de *DoggyBags*, une fois n'est pas coutume, met en relation ses trois récits sous la plume de **Céline Tran, alias Katsuni** lors de sa première vie d'actrice pornographique. **Run** et la belle tissent autour de son personnage un univers parallèle qui transforme les prédateurs sexuels d'aujourd'hui en insatiables vampires, et tentent de mettre en lumière


l'héroïsme de ces actrices qui s'y révèlent femmes après s'être laissées dévorées par l'archaïsme du système.



Et là où les détracteurs de l'ouvrage n'y voient que vil sexisme exacerbé, il me semble que les auteurs, bien au contraire, font œuvre de féminisme engagé – violent certes, mais peut-il en être autrement dans cet univers glauque et crasse, dévoreur d'âmes ?


Le premier épisode, *First Blood*, suit une jeune et jolie américaine naïve dans les banlieues de Los Angeles, qui accepte de se dénuder pour la caméra dans les bras de son petit ami, jusqu'à ce que celui-ci l'abandonne aux corps musclés et glabres de trois ou quatre mâles agressifs et pervers. 

Heureusement pour elle, une vengeresse en collants de cuir débarque et découpe tout ce petit monde armée d'un seul katana.



Je suis mort...
Tu crois pas si bien dire.



Le dessin de **Jérémie Gasparutto** est dénudé, inonde la pauvre victime sous le blanc intense du studio de tournage, un blanc clinique, impersonnel et froid face à l'ombre poisseuse d'où l'observent les opérateurs. Le trait y est travaillé, les corps y sont sculptés, et bientôt l'arrivée impromptue de la vengeresse vient remplacer ce blanc malsain d'un rouge sang, plein, furieux, qui noie les cases, les pages, et tranche méticuleusement les peaux de ces monstres sexistes affamés. Délivrant son message de super-héroïne impitoyable : 


là où l'innocence est trompée par le glaive dégueulasse qui pend entre les jambes des hommes, la vengeance de l'épée viendra faire couler le sang en éjaculations irrépressibles d'hémoglobine.



C'est avec *Draw Blood* que **Run** et **Céline Tran** reviennent alors aux origines de l'héroïne. Dans l'obscurité insalubre d'un théâtre sacrificiel cryptique, la jeune femme est offerte à une horde de vampires aux dents effilés et dressées d'excitation jusqu'à ce qu'un maître de cérémonie les remplace et s'octroie le droit de cuissage sur la frêle créature désabusée. 


 J'avais décidé d'être ma propre poupée, de jouer et d'enfreindre les
règles. 



Entre ces quelques pages en couleurs ternes et sombres qui disent tous les secrets, toutes les horreurs du réel derrière le glamour lumineux de l'industrie pornographique, **Florent Maudoux** joue merveilleusement du contraste en déroulant le flash-back d'un noir et blanc dense de traits et de pointillisme, clarté des espoirs naïfs de la jeunesse, où le rouge passion vient, clairsemé avec justesse, exposer le danger imminent. Trait fin, dessin magnifique, l'artiste transcende là 


la christique du vampire



mise en place par les auteurs pour dénoncer l'univers insatiable du porno. Sublime.


Final en crescendo, où l'héroïne vise toujours plus haut dans l'ignoble hiérarchie du sexisme établi des appétits voraces des prédateurs, *Too Rich for my Blood* s'inspire intelligemment autant que cyniquement de l'affaire Strauss-Kahn au Sofitel de New York. **Guillaume Singelin** se révèle là le dessinateur idéal pour illustrer ce fait divers glauque à travers son dessin déformé, chargé, qui joue parfaitement


la déliquescence crasse du personnage libidineux et sans remord.




 Je vais t'initier aux plaisirs suprêmes (…) N'en perds pas une
goutte. 



Encore une fois l'héroïne immortelle vient distribuer la vengeance. Et si l'abandon du katana laisse un temps de répit au gros porc capturé, son exécution joue également du sordide crade, inversant les rôles tandis que la vengeresse le gave telle une oie dans une mémorable séquence qui fait l'hommage, au-delà des références gore du comics américain, à *La Grande Bouffe* de **Marco Ferreri**.

Magistral !


Une fois n'est pas coutume, le sixième numéro de *DoggyBags* est titré, *Heart Breaker*, pour souligner l'unité de son développement. Sous la houlette de **Céline Tran**, épaulée de **Run**, ce sont trois habitués qui viennent merveilleusement illustrer les différents épisodes de la vengeance d'une héroïne d'abord perdue qui a su se redresser et s'affirmer dans un univers essentiellement masculin peuplé de prédateurs dégueulasses. Par-delà la crasse dégoulinante de perversion des hommes, l'héroïne vient alors régler ses comptes et 


proclamer dans le sang qu'on ne joue pas impunément avec le corps des femmes.



Probablement un des meilleurs volume de DoggyBags jusqu'à présent, avec le plaisir de voir une auteure s'émanciper et transposer ses combats dans l'univers gore et immoral de la série, pour une variation vampiresque jouissive.

Créée

le 27 févr. 2018

Critique lue 299 fois

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