Ce quatrième volume nous présente deux destins différents qui, s’ils ne sont en aucun cas liés l’un à l’autre, permettront néanmoins au lecteur de goûter une nouvelle fois aux turpitudes de cette vie en temps de guerre.


D’abord Amuro, dont sa mère avait gardé le souvenir d’un enfant un brin taciturne mais en aucun cas violent ou agressif, et qui se trouve dans l’obligation de dévoiler à celle qui lui est la plus chère ce que la guerre a fait de lui. Inutile d’épiloguer, on se contentera de souligner que la conclusion de la première moitié de ce tome nous montre un Amuro résolument plus mûr et tout aussi assurément bien plus adulte que beaucoup de grandes personnes alors qu’il n’a toujours que 16 ans – mais on oublie souvent que « infanterie » a pour étymologie l’italien « infante » qui signifie « enfant » – : sa réponse à la proposition que lui fait Bright de quitter le White Base pour rester avec sa mère se passe en effet de tous commentaires et démontre à quel point le personnage a pu évoluer en à peine quatre tomes… D’autres détails parsèment cette partie en laissant au lecteur la possibilité d’exercer son imagination ; ainsi une remarque au ton désinvolte telle que celle de Kai quand il apprend qu’Amuro va voir sa mère restée sur Terre (« Encore un membre de l’élite » dit-il) laisse supposer que les luttes de classe ont encore la part belle dans ce futur et que l’univers de Gundam est bien loin d’un de ces lendemains qui scintillent auxquels une science-fiction parfois un peu trop naïve nous a hélas habitués. D’autre part, une phrase anodine venant d’un très jeune réfugié du village où travaille la mère d’Amuro (« Il en a de la chance » dit ce jeune garçon quand le pilote du Gundam se jette dans les bras de Kamalia) nous rappelle, sans détour ni politiquement correct, que nous sommes bien dans une histoire de guerre, c’est-à-dire un récit où la notion d’innocence n’est plus qu’un luxe puisque l’enfance en est toujours la première victime.


C’est dans ce genre de détails, aux apparences triviales, pour ne pas dire anecdotiques, que se trouve une des forces principales de Gundam : cette façon de jouer avec le lecteur, de faire participer le public en le poussant à se poser des questions, à chercher les significations cachées derrière des phrases anodines, cette fluidité dans la narration permet à l’audience d’entrer dans le récit, d’en faire partie intégrante d’une manière que la culture manga n’avait encore jamais vu, ou si peu, à l’époque où la série télévisée fut diffusée sur le petit écran japonais ; une technique narrative qui fit bien des émules car elle est depuis devenue monnaie courante…


Enfin, Garma, dont la seule erreur aura été d’être le fils cadet du tyran Degwin Zabi – personnage central bien qu’encore pour le moins effacé à ce stade du récit, et dont la présentation sera faite dans la chronique du tome suivant – Garma apparaît lui aussi victime d’une guerre dans laquelle il se voulait soldat mais dont il n’était qu’otage : il aurait peut-être pris une décision plus raisonnable si le poids de son héritage familial n’avait pas été aussi lourd ; quoi qu’il en soit c’est bien cet acte tout aussi inconsidéré qu’inévitable qui conditionnera l’arrivée d’un personnage majeur de la saga dès le tome suivant, personnage qui marquera au fer rouge l’ensemble du très jeune équipage du White Base : ce n’est pas Seila Mass qui me contredira. C’est aussi l’occasion de voir que Char Aznable est bien plus complexe qu’un de ces simples « méchants » récurrents dont les animes et mangas de mechas sont restés longtemps farcis jusqu’à la nausée : d’ailleurs, à ce stade, on commence presque à se demander si Char n’est pas en réalité un agent de la Fédération infiltré chez Zeon tant ses actes sont pour le moins ambigus ; mais l’explication, bien sûr beaucoup plus complexe que ça, viendra en son temps et elle sera à la fois d’une limpidité et d’une cohérence indiscutables avec l’ensemble du récit dont nous n’avons toujours pour le moment qu’une vision très fragmentaire : il apparaît de toutes manières assez évident à ce stade que Char ne peut en aucun cas être classé parmi les « gentils » de l’histoire non plus. C’est un autre des aspects prépondérants de Gundam, et qui lui valut une partie de son succès à présent trois fois décennal : on n’y trouve pas plus de héros que de vilains, juste des hommes et des femmes qui tentent tous d’accomplir ce qui leur semble juste, et Dieu sait que la frontière séparant le bien du mal peut se montrer floue en temps de guerre…


Les +


– certains personnages apparaissent beaucoup plus complexes qu’ils en avaient l’air alors que d’autres montrent une très nette évolution
– la complexité de l’univers de Gundam s’affirme davantage, mais toujours avec discrétion
– le destin d’un personnage majeur bouleverse le récit


Les –


– scénario assez linéaire

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le 21 juin 2015

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