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L’onirisme mouvant et mutant du récit continue à décourager toute adhésion rationnelle, tout attachement du lecteur à tel ou tel personnage : n’importe qui peut mourir et ressusciter à volonté, se transformer en quasi-n’importe quoi, quitte à reprendre sa forme première après avoir fait son petit numéro de transformiste (planches 21, 23, 27). Il faut accepter la logique du rêve pour adhérer à un tel univers, et les codes de base du récit de fiction sont bafoués. On ne sait plus trop qui fait partie du rêve de qui, ni qui appartient à la réalité vraie-de-vraie (si tant est qu’il en reste une !). Il paraît que les cosmonautes de retour sur terre appartiennent à cette dernière catégorie. Cela reste à prouver.

Dérapages de mémoires, dérapages spatiaux inopinés : Barnabé, qui a vécu toute l’épopée avec les héros « positifs », les oublie (planche 9) ; voyage au centre de la Terre-Océan, à des profondeurs incroyables (à partir de la planche 24), avec des détails qui rappellent Jules Verne (champignons géants, planche 30).

Conventionnellement, comme dans les bons avant-derniers épisodes d’une saga, le Mal semble triompher : le Duc Malik est devenu l’unique maître du jeu, après la rétrogradation biologique et l’évaporation de Nicolas. Chacun lui parle comme à un monarque absolu, sinon comme à un Dieu, confortant la mégalomanie sadique du personnage.

Mais l’efficacité de ses forfaits trouve ses limites : même en coupant en deux un nouveau-né, celui-ci se reforme en une boule protoplasmique qui commence à faire ce qu’elle veut. Et le précaire équilibre favorable au Duc Malik se rompt, sur le mode Atlantide II – le Retour.

S’il y a un intérêt dans cette enfilade de mutations et de déplacements irrationnels, c’est, bien entendu, d’abord dans les dessins d’Adamov, qui s’est échiné à rendre avec un réalisme confondant les décors et les créatures les moins probables. On appréciera Barnabé métamorphosé en « Maigre Bête de la Nuit » (planches 40 à 46). Enfin, « maigre », faut voir...

Mais les efforts pathétiques de Cothias pour racoler des étayages culturels à son délire protoplasmique débouchent (par hasard ?) sur des éléments intéressants :

1. une mise en place de démarches mystiques-New Age de la part des personnages ; principes de base : tout le monde est relié à tout (et réciproquement), donc tout a une influence sur tout, à commencer par nos pensées qui peuvent recréer le réel à notre guise (si toutefois nous ne nous laissons pas submerger par nos contenus inconscients négatifs). Exemples ?

a. Les personnages, pour « penser plus fort et modifier leur réalité », se prennent par la main (planches 12 et 13) : communion mystique de fluide.

b. le décor, les circonstances émotionnelles-affectives, la vie elle-même dépendent de la pensée et de la volonté d’imagination qui la sous-tend. Les «astronautes », peut-être parce qu’ils sont présentés comme appartenant à la vraie réalité, échouent à ce test (Planches 34-38). Sur le principe de base, tous les magiciens, les faiseurs de pluie, les sorciers, les thérapeutes spiritualistes comme Wayne Dyer, et, en version plus moderne et plus « physique quantique » (la marotte des New-Agistes agitée comme une oriflamme pour s’exonérer du reproche de mysticisme délirant), les travaux de Nassim Haramein, Gregg Braden, voire Nikola Tesla ou Max Planck.

2. La convocation de Lovecraft, en tant qu’auteur donnant à l’imagination un pouvoir réellement créateur (voir le monde de Kadath et les divers « rêveurs » de Lovecraft) (planches 13, 22). Il est plaisant de relever que les héros se mettent à causer littérature en plein cataclysme ; mais enfin, scénaristiquement, si la magie de l’imagination ne s’en mêle pas, les personnages vont mourir noyés. Bon, je ne sais pas si je peux me sauver de la noyade par un effort d’imagination, mais on est chez Cothias, hein ? Et puis, ainsi que le prévoit Alfred (planche 14), introduire Lovecraft sur la barque va permettre à Cothias de nous offrir quelques horreurs de plus... On connaît le penchant de Cothias pour recopier ce que d’autres ont écrit avant lui.

Initiatiquement, les héros, qui se sont bien assagis depuis quelque temps, sont tentés par le Paradis Terrestre-cocon imaginaire qu’ils ont – provisoirement - créé (planches 30 à 40). Mais voilà, il faut être maître de son imagination (planche 41)... Et la mort qui rôde, c’est la mort de ceux dont l’imaginaire est défaillant (planches 34-46). Pour rester dans l’éternité et l’imaginaire, il faut rester enfant, et donc ne point se différencier (planche 41).

Derrière l’incohérence des situations et leur caractère déroutant, surgissent enfin des références de toute époque. On n’attendait pas Cothias en mystagogue militant.
khorsabad
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le 3 déc. 2014

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