Cette BD repose sur un montage alterné. D'un côté, Camus entame un discours de remerciement devant le jury qui vient de lui attribuer le Prix Nobel de littérature le 10 décembre 1957. Il y élabore un discours sur le rôle de l'écrivain, son devoir d'être libre, d'être la voix des faibles, etc... De l'autre côté, on a droit à une série de flashbacks qui retracent la vie de Camus, avec un narrateur qui semble être un ancien camarade d'enfance. Le livre se décompose en cinq parties : une 1e, longue, sur l'enfance à Alger et la naissance de la vocation d'écrivain ; une 2e sur le départ à Paris, les premiers succès, la résistance à Combat, jusqu'à la rupture avec Sartre à cause de L'homme révolté. La 3e sur la guerre d'Algérie ; la 4e sur la mort dans un accident de voiture ; enfin un épilogue, qui restitue l'intégralité du fameux échange avec un jeune kabyle, d'où l'on n'a retenu que la phrase "Je crois à la justice, mais je défendrai ma mère avant la justice".
C'est un beau livre, qui offre un panorama sur l'oeuvre de Camus, sans développer de thèse particulière, sinon qu'il y a plusieurs périodes chez Camus : la période de jeunesse, avec des oeuvres enthousiastes comme Noces ; le cycle de l'absurde ; le cycle de la révolte et les dernières oeuvres. On n'apprend pas grand-chose de la spécificité littéraire de son oeuvre.
L'ouvrage privilégie les illustrations pleines pages, avec des applats de couleur étudiés et harmonieux (blanc couplé avec une autre couleur primaire, principalement du bleu ou du orange). Le choix graphique est le plus souvent celui d'une ligne claire qui peut rappeler un peu Floc'h, en tirant un peu plus sur le réalisme peut-être.
C'est très joli, très esthétisant, mais cela souffre un peu de la comparaison avec les Carnets d'Orient de Ferrandez. Ce Camus enfant vit une enfance générique, il n'a rien de particulièrement pied-noir, et l'on ne sent pas les rues d'Alger comme on les sent dans la série précitée. Je mets sans doute une note un peu dure, mais j'aurais aimé quelque chose d'un peu moins sage, d'un peu moins figé.