Critique des tomes 1 et 2 de Altaïr

Les oeuvres sont souvent – en partie – le produit du parcours de leur auteur. Altaïr ne déroge pas à la règle : la mangaka Kotono Katô a étudié l’Histoire tout en se spécialisant dans celle de la Turquie. Cela se ressent non seulement dans le choix du pays d’où part Mahmud (et les nombreuses explications qui nous sont fournies pour comprendre ce pays, son fonctionnement, les hiérarchies, la religion, les aigles…) mais aussi dans le vocabulaire : le divan, le kubbe alti, les binbashis, la fête Sheker Bayram… Pas de quoi prendre peur : chaque terme fait l’objet d’une note de bas de page, ce qui nous permet à la fois de comprendre mais aussi de mieux nous immerger dans cet univers. On comprend aussi rapidement que le monde est vaste et qu’avec Mahmud nous allons voir du/des pays.


Parce que si le jeune garçon est un pacha, il n’a rien à voir avec les « paysans pachas » dont nous parle l’agronome René Dumont (in 1991, Démocratie pour l’Afrique). Les pachas (généraux) de Türkiye se démultiplient et on voit ainsi non seulement leurs responsabilités, les différentes tâches qu’ils effectuent ainsi que leur différend (pacifistes contre « offensifs ») mais aussi, et surtout, ce que doit être la priorité d’un pacha : penser avant tout au bien de sa nation. Cela semble trivial mais ce point est central, parce qu’il va conditionner une grande partie de la suite du manga : Mahmud a évité (pour la seconde fois) une guerre entre Türkiye et Baltrhain mais il a d’abord agi pour protéger ceux qui lui sont chers. Un noble geste qui fait passer ses sentiments personnels avant la sécurité de son pays. C’est une faute, qui lui vaut de perdre son titre de pacha et d’être rétrogradé au rang de binbashi (commandant). Nous sommes au début du tome 2 et commence alors pour Mahmud une opération de reconquête : être digne du titre de pacha et le retrouver le plus rapidement possible. Pour cela il va devoir voyager, rencontrer différentes personnes pour « voir, observer et apprendre davantage ».


Cette chute de Mahmud ne va pas sans poser quelques questions : si Mahmud est trop « vert » pour le poste, pourquoi l’avoir nommé ? Est-ce une erreur ? le fruit de calculs et d’une quelconque manipulation ? Revenant sur cet événement, un spectacle de rue faisait porter le chapeau aux vizirs qui, craignant ce jeune prodige ont voulu lui donner une leçon. Mahmud a démenti fortement cette version. Son avis sera peut-être amené à évoluer…


Car l’environnement où il évolue est marqué par l’instabilité. Tout concourt à l’éclatement d’un conflit et le « parti de la guerre », côté türk comme du Baltrhain emploie tous les moyens à disposition pour y arriver (fausse accusation, manipulation, instrumentalisation de certaines populations…). Dans ce contexte, différents personnages interviennent, de manière plus ou moins ponctuelle, sur la route de notre jeune héros : Khalil Pacha, sorte de grand-père de substitution, le « rival » de Mahmud : Zaganos Pacha (maître des poisons, leader des « offensifs » et détenteur d’un impressionnant réseau d’espionnage), Shara la danseuse, Süleyman l’espion, ainsi que les figures du Baltrhain : l’empereur Goldbalt XI, le très malin premier ministre Louis, la nièce de l’empereur : Lerederik, la secte Röd Orm… Une galerie de personnages voués à s’agrandir car d’autres pays interviendront sans doute dans la partie et les ennemis d’aujourd’hui deviendront peut-être les alliés de demain.


En somme l’univers du manga est rapidement immersif et très dynamique tout en souffrant de quelques imperfections. D’abord l’intrigue lors de certains moments va un peu trop vite en besogne, ce qui donne une impression de facilité. De plus, si le dessin est agréable et restitue joliment l’univers méditerranéen (architecture, vêtements, temples…) certaines pages manquent de clarté et on peine à comprendre le geste de tel ou tel personnage. Enfin la profusion des références et des inspirations finit par interroger et donner l’impression d’un « patchwork » parfois surprenant (Saint-Michael la capitale de l’empire Baltrhain a une allure de mont Saint-Michel…).


Qu’on ne s’y trompe pas : Altaïr propose un univers très plaisant à la croisée des styles entre Magi – The Labyrinth of Magic, Ad Astra, Cesare et autre Arslan Senki. Glénat nous propose un joli titre, dont on espère que les prochains tomes approfondiront les promesses contenues dans ces 2 premiers volumes.

Anvil
7
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le 23 déc. 2015

Critique lue 160 fois

Anvil

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