Z
7.2
Z

Album de My Morning Jacket (2005)

Assez légitimement, on avait pu croire que le troisième Lp de My Morning Jacket, It Still Moves, paru il y a deux ans, était leur chef-d'oeuvre. Il n'en était à l'évidence rien. Ce Z, en forme d'opus définitif comme on clôt un alphabet, est au combo du Kentucky ce que OK Computer fut à Radiohead. Un constat qui ne saute aux oreilles qu'après trois écoutes. Au moins. Quitte à perdre foi en son propre instinct à distinguer le bon du mauvais disque du premier coup. D'une légère déception initiale, on passe à l'engouement, puis à l'amour pour cet album au bas mot surprenant, puisque très loin des habituelles "lynyrdskynyrderies" d'un groupe désormais émancipé et navigant à vue entre Pink Floyd et Will Oldham. Dès Wordless Chorus, et son motif synthétique répétitif (un nouveau au clavier, Bo Koster, dont l'impact est remarquable), son choeur angélique et sa pincée de soul et de reggae, on comprend que My Morning Jacket a fait exploser le carcan de la country alternative. S'ensuivent, par exemple, le très pop Gideon, l'intime Knot Comes Loose ou le sublime final Dondante, que Mercury Rev tente en vain de composer. Et le plus remarquable est que Z, disque hétérogène aux textes illuminés, porte malgré tout, et de... A à Z, la marque profonde d'un style, celui de Jim James, songwriter décidément génial malgré son nom idiot. Le Kentucky n'a jamais semblé aussi vaste. (Magic)


The Tennessee Fire”, en 1999, et “At Dawn”, en 2001, sortis sur un minuscule label californien, avaient constitué les premiers signaux d’alerte. Une musique parcourue de flamboiements hantés, à mi-chemin d’un folk lunaire et du rock des grands espaces, une voix enveloppée dans la reverb, mélancolique mais souveraine, et des mélodies à fendre l’âme. “It Stills Moves”, sorti sur une major en 2003, révélait à un public déjà plus large la maestria et l’originalité avec lesquelles le groupe de Louisville, Kentucky, avait assimilé l’histoire du rock américain. Bien plus électrique mais toujours ancré dans le terreau et les parfums du Mid-West, l’album affichait 75 minutes de riffs bucoliques et de refrains éthérés. Brillant, mais trop long pour prétendre au chef-d’œuvre que le groupe semblait porter en lui. Produit par John Leckie (Pink Floyd, Radiohead), enregistré dans les Catskill Mountains qui abritèrent les séances historiques de Bob Dylan et du Band, “Z” est cet album. Délivré d’influences jusqu’alors un peu trop nettes (Neil Young, une rasade de rock du Sud, une pincée de country, un zeste d’americana enrobé de psychédélisme), My Morning Jacket évolue désormais dans une dimension qui lui est propre. Son inventivité permet à Jim James, unique compositeur du groupe, de transgresser tout classicisme et d’établir, au fil d’aventures sonores identiquement touchées par la grâce, un univers à la cohérence assise sur un extraordinaire sens mélodique. “Wordless Chorus” s’ouvre par une pulsation electro qui semble flotter dans l’espace, puis se résout dans un refrain féerique orné de pizzicatos hawaïens. “It Beats For You” et “Gideon” concurrencent Radiohead sur son propre terrain en même temps qu’ils renvoient Coldplay en cour de récréation. “What A Wonderful Man” sonne comme du Beach Boys garage et revanchard. Ouvert par un riff proche du thème de la série “Hawaï Five-0”, “Off The Record” se poursuit par un reggae rieur qui débouchera sur une coda en apesanteur. “Into The Woods” offre l’une de ces mélodies déchirantes que James semble produire en dormant, valse emportée par une chorale dans les astres. “Anytime” et “Lay Low” sont des grooves aux guitares luxuriantes, témoignage d’un héritage sudiste. “Knot Comes Loose”, une ballade diaphane, frêle comme un vol d’oiseau en hiver. Le meilleur reste à venir. Un murmure sépulcral soutenu d’une unique batterie, quelques accords de guitare qui s’égrènent, un court solo qui porte sa croix, soudain déchiré par des accords et un chant à la beauté implacable — l’ultime morceau de l’album, “Dondante”, écrit pour un ami disparu, tient du classique instantané. Il émane de “Z” une spiritualité fantasmagorique qui provient pour beaucoup de la ferveur contenue dans la voix de Jim James. De l’exaltation sublime de ses douleurs. Originaires d’un trou paumé, habillés en dépit du bon sens, ayant grandi à l’écart de tout cynisme et de tout engouement pour le prochain revival, les membres de My Morning Jacket prétendent faire croire que les plaines du Kentucky se situent en orbite de la voie lactée. Ils sont à peine dans le deuxième versant de la vingtaine qu’on en est déjà convaincu. Demain leur appartient. (Rock n folk)
A l'écoute de leur précédent album ("It Still Moves"), on se disait que le jour où les Kentuckyiens de My Morning Jacket se couperaient les cheveux et ralentiraient les drogues, ils seraient capables de pondre un très bon disque. "Z" déboule et s'il est clair que la situation économique de leur coiffeur s'est améliorée, leur dealer doit encore se traîner une sacrée ardoise. "It Still Moves" donnait pour aller vite dans le southern-rock psychedelico-planant, celui-ci a abandonné toute connection avec le rock à barbe et à panse ventrue. L'album ouvre sur une pulsation électro enveloppée d'une mélodie spiralée qui s'achève en incantations vaguement bouddhiques psalmodiées par un Jim James au K2 de ses capacités vocales : cela s'appelle " Wordless Chorus (MMJ s'amuse bien avec les titres de ses chansons, vous allez voir) et on voudrait que cela dure 3000 fois plus longtemps. La suite sonne comme les délires foutraques d'un Animal Collective qui aurait décidé de combler, dans ce domaine, le fossé qui sépare la totale réussite du foutage de gueule. Tout cela est en effet parfaitement maîtrisé, grâce à la voix d'or de Jim James et à la production léchée mais subtile de John Leckie (aux manettes du premier Stone Roses et du meilleur Radiohead), et pourrait sembler arrogant et prétentieux si les MMJ n'avaient pas écrit au bas mot trois des cinq meilleures chansons de l'année. "Gideon" emporte le morceau grâce à sa partie d'orgue truculente, "Anytime" s'impose comme le plus flamboyant hymne brit-pop jamais écrit par un non-ressortissant du Commonwealth et le solo de guitare de "Lay Low" finit par courber l'échine devant la mélodie comme s'il devait se faire adouber par elle. On frôle même la mise en abyme avec "Off The Record" (on s'amuse, on s'amuse), que le groupe a bien fait de conserver sur l'album et expédie en deux tranches : la première est un tube imparable et la seconde une ballade bucolique et brumeuse. On the record, finalement. Nous, on est en plein dedans. (Popnews)
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le 5 avr. 2022

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