With Love
8.1
With Love

Album de Yom et The Wonder Rabbis (2011)

Electro-distorsion de la réalité

Batterie, basse, clavier, clarinette et voilà que je suis à un pic-nic à Tchernobyl. Les arbres bleus zigzaguent dans les airs, leurs longs troncs font des boucles et des loopings se détachant d’un ciel rouge sang sans aucun nuage, illuminé par un grand soleil vert pomme, balayés par un vent qui sent la pastèque d'une fin d’après-midi de canicule en rentrant d’une longue journée de travail quand on enlève enfin son pantalon pour mettre un vieux short qu’on a depuis quinze ans. Les papillons trottent doucement en petits troupeaux et broutent l’herbe orange cotonneuse, sol de barbe-à-papas infinis à perte de vue, des lapins roses bonbons de 3 mètres de haut se prennent les pieds dans leurs immenses oreilles jaunes poussins qui traînent autours d’eux comme une grande flaque de poils qui leur dégoulinerait le long du corps et alors ils tombent et ils rebondissent et ils s’envolent dans le ciel et des centaines et des centaines de lapins rebondissent et vol partout dans les airs et des chevreuils sont percher dans les arbres et des oiseaux nagent dans la rivière qui s’envolent dans le ciel et de minuscules sangliers se posent sur mon bras pour me piquer avec leurs défenses et alors il se met finalement à pleuvoir de grosses gouttes molles comme de vastes oreillers de nuages.


Notes de claviers prolongées flottant lentement dans les airs comme le souvenir d’un amour perdu.


Je suis le sol de la forêt, allongé jusqu’à la fin des temps, avec tous ces grands arbres qui me recouvrent et qui grandissent sans fins, s’en allant tout la haut toujours un peu plus loin dans un ciel que je ne vois de toute façon plus depuis des années déjà. Des papillons multicolores flottent doucement dans les airs au-dessus de moi sans jamais me voir, préférant toujours voleter autours des fleurs et de leurs pétales enchantés, les abeilles bourdonnent et les grenouilles croissent et les moustiques sifflotent et les oiseaux chantent et les fourmis me chatouillent et les serpents se frottent sur les feuilles mortes qui me recouvrent. Les racines m’irriguent tout entier sans que je ne le sente vraiment, comme le sang dans vos veines. J’essaie de me lever depuis des siècles et des siècles mais jamais je n’y arriverai, jamais je ne le pourrai, écrasé pour toujours par le poids de tous ces arbres millénaires. Et voilà que tout tourne d’un coup et je ne suis plus le sol mais le ciel. Allongé, encore, avec ces nuages qui défilent en souriant devant moi et ses oiseaux qui me narguent à chaque fois qu’il me filent devant à toute allure comme de majestueuses fusées de plumes, moi, immobile à jamais. Les arbres ne me fuis plus mais voilà leur feuillage verdoyant qui se rapproche lentement, j’essaie bien de tendre tout mon être pour ne serait-ce que les effleurer, ressentir à nouveau leur présence qui m’a depuis était volée, mais jamais ils ne pourront m’atteindre. Jamais je ne pourrai les toucher. Allongé, toujours, à jamais. Je ne vois même plus le sol que j’étais.


Clarinette magique qui vous prend dans ces bras pour vous emmener très loin, là-bas, dans ses contrés ignorés de votre propre conscience, caché dans un coin de votre cerveau depuis toujours.


Je suis un train lancé à pleine vitesse sur les rails d’un monde inversé, le sol est le ciel, le ciel le sol, la gauche est la droite et la droite la gauche, le vent me caresse le visage, mes cheveux volettent partout autour de moi comme des lianes en transes charmées par une clarinette enchanté, mes yeux clignent inlassablement constamment balayés par le vent. Les paysages défilent, de grands bâtiments de bois avec des fenêtres de feuilles vertes et des arbres de bétons aux grandes feuilles de verres, des routes d’herbe, de pissenlits et de coquelicots aux passages piétons de terre et de grands parcs de bitumes avec des panneaux bleus et blancs et rouges et verts et des feux de signalisations tricolores comme végétation, des chiens et des chats se tenant sur leur deux pattes arrières rentrent du travail hébétés dans de vieux bus, des écouteurs enfoncés dans les oreilles pour ne surtout pas entendre leurs voisins de voyage, écrasés contre eux dans cette boite de sardine sur roues, cet enfer sur pneumatique, ou alors enragés dans des bouchons qui durent des kilomètres qui paraissent des années et ils se baladent dans la rue avec des hommes en laisse qui font leurs besoins contre les arbres et se crient dessus quand ils se croisent et leur rapportent les balles qu’ils lancent encore et toujours, et puis me voilà à la campagne avec de grands champs de boites de conserves multicolores brillant sous le soleil comme des milliers de lucioles métallisées luisant d’une rosée de velours et ses élevages d’aspirateurs et de machines à laver qui broutent l’herbe en me regardant passer à travers les grillages de spaghettis qui délimitent leurs parcelles parallèles et perpendiculaires, et maintenant le nature avec ces montagnes de sables et ses plaines de neiges, ses volcans qui projettent de grands volutes d’eau glacée qui s’élancent jusqu’au ciel et ses longues rivières de lave en fusion qui serpentent au milieu d’une jungle de rocher desséchés. Alors la nuit tombe, la lune se couche et le soleil se lève.


Batterie et basse qui s’élancent et qui montent et qui montent doucement mais furieusement en vous emportant vers un monde de beauté irréelle et de pure mélancolie.


Je suis un grand aigle balafré, liberté bafouée volant dans le ciel étoilé. Je survole les centres villes illuminés de ses millions de lumières, les zones industrielles plongées dans la fumé de leurs grandes cheminées, les banlieues oubliées dans l’ombre de leurs grandes tours de béton, les quartiers résidentiels plongés dans l’ennuie de ses rues toutes pareils et de ses maisons identiques, les cimetières dormant dans le silence des vies qui s’y sont tues, les forêts dansant au rythme de leurs grands arbres balayés par le vent, les déserts et ses vagues et ses remous de sable, les océans sans fins et les rivières qui serpentent pour se jeter dedans, le vent qui siffle, les avions qui fusent, les animaux qui cours, ceux qui nagent et ceux qui volent, les hommes qui rient, ceux qui se taisent et ceux qui s’entretuent. Alors je m’en vais de cette planète à tout jamais, oui je m’envole plus haut que jamais, sans même me retourner, direction la voie lactée.


Clarinette, clavier, basse, batterie, le voyage est fini. Je suis dans mon canapé, la lumière du soleil couchant baigne mon appartement d’une étrange lueur orangée, le vent qui passe par la fenêtre me caresse le visage, dehors les voitures roulent, le temps passe et des millions de vie continuent leur route.

Clode
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le 11 sept. 2016

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