Wilder Mind
5.6
Wilder Mind

Album de Mumford & Sons (2015)

La nouvelle arnaque musicale du quartet londonien vient tout juste de sortir. Et ce n'est pas peu dire que le résultat est à la hauteur de la relative infâmie que certains critiques jettent sur le groupe depuis des années. Au début je ne comprenais pas trop pourquoi tant de haine. Venant des américains de Pitchfork, un tel dédain envers des arrivants de la perfide Albion qui auraient osé toucher à la sacro sainte folk américaine me paraissait stupide et puéril.


Et puis j'ai écouté leurs disques. Gentillet, inintéressant, totalement dispensable et absolument rien de mémorable. Mais bon, passe encore. Puis vint ce Wilder Mind. La note sèche attribuée par l'influent site américain n'était pas une surprise, mais à la lecture de l'article, je découvris que le disque se voulait en plus un changement de cap, de style, et même d'instrumentation : fini le banjo, finie la folk de papa ! Que resterait-il alors à un groupe qui n'avait déjà pas beaucoup de saveur ?


C'est assez consterné qu'on découvre les (pas si) différentes chansons qui émaillent ce nouvel album. Rock FM, pop de stade, pop FM, rock de stade, tout y passe. C'est désespérant, fade, d'une non originalité absolue. Le pire dans tout ça, c'est que ce disque révèle au grand jour ce qui n'était peut-être rien d'autre qu'une stratégie commerciale à long terme soigneusement planifiée depuis les débuts du groupe en 2007.


Soit étape 1 : choisir un genre musical underground plutôt en vogue, en l'occurrence la folk (ou chamber folk, ou indie folk, ou folk tradi). En faire des caisses niveau instrumentation.
Etape 2 : sortir un disque où l'on pompe soigneusement tout ce qui ce fait de mieux dans le genre, mais en se gardant bien d'apporter quoi que ce soit de nouveau, original, risqué artistiquement. Perdre toute l'âme de cette musique et livrer un bon produit formaté qui va cartonner en dehors des cercles initiés, qui eux le rejetteront violemment.


Et donc étape 3 : une fois connus mondialement, sortir un disque complètement hors sujet pour atteindre un encore plus large public en faisant de nouveau ce qui marche bien, mais à l'échelle d'un genre musical beaucoup plus populaire et accessible.


Et voici donc une compilation sans fin de contrefaçons de groupes américains bien en vue, tels The National ou The War on Drugs (si c'est pas flagrant sur la chanson titre, je ne m'appelle plus Krokodebil). Retirer savamment toute marque de singularité musicale, bien lisser la production, et enchaîner les perles insignifiantes de ce chapelet soporifique.


C'est tout de même affligeant de voir un groupe britannique s'évertuer à sonner américain coûte que coûte quitte à en perdre tout semblant d'identité musicale pour se fondre dans une production de masse... Les seuls moments où le disque fait anglais, c'est quand il se la joue à la Coldplay, c'est dire le niveau (et je parle pas des "bons" Coldplay). Le reste est un mix d*'indie rock* USA, entre les groupes déjà cités et un petit côté Band of Horses ou Death Cab.


Alors bien sûr, dans l'absolu ce n'est pas désagréable à écouter, ce n'est pas une musique dérangeante, c'est juste parfaitement inoffensif, anodin, anonyme même. Une soupe FM friendly programmée à l'avance pour cartonner mais où manque cruellement des notions de "tube immédiat" (aucune chanson ne se démarque) ou tout simplement de "signature inimitable" du groupe. Et comme le souligne justement Pitchfork, la disparition du banjo - qui aurait pu être un traceur tout autant qu'un élément de contraste intéressant - achève d'enfoncer l'ensemble dans une médiocrité confortable.


Ce n'est pas un crime de vouloir "sonner" US. Cela s'est fait de tous temps, depuis l'émigration outre-Atlantique des surdoués du blues-rock Fleetwood Mac devenus ensuite des génies de la pop americana la plus traditionnelle (et avec quelle superbe !), jusqu'aux récents essais des Arctic Monkeys (l'album Humbug par exemple). Mais chez Mumford and Sons, ce quatuor d'affamés de célébrité et d'argent, la sincérité du geste fait défaut et c'est impardonnable. Ou bien ce sont simplement de purs idiots. A retirer pas à pas tout ce qui faisait ce qu'un public pouvait aimer chez eux, ils risquent tout bonnement de s'aliéner à leur tour leur dernier bastion de fidèles auditeurs. Gageons qu'en live le banjo retrouvera sa place dans les nouvelles compositions, du moins je l'espère pour les pigeons qui iront payer pour les entendre.


J'achève cette critique au son de l'avant dernière chanson de l'album, où le groupe tente une envolée rock poussive façon Death Cab justement, qui résonne purement et simplement dans le vide. Un condensé de crétinerie, et le pire, c'est que comme dirait l'illustre Serge,
"C'est au bus Palladium, ça s'écoute."


Inoffensif, mais creux.

Créée

le 11 mai 2015

Critique lue 838 fois

16 j'aime

2 commentaires

Krokodebil

Écrit par

Critique lue 838 fois

16
2

D'autres avis sur Wilder Mind

Wilder Mind
Missing-Words
5

Ils vont pas être très wild les concerts (cette critique reste provisoire)

Aaaaah que je suis partagée. Mumford & Sons est un groupe que j'apprécie énormément. Je me souviens de lire un post sur tumblr qui, répondant à la question "What genre is even Mumfors &...

le 4 mai 2015

4 j'aime

3

Wilder Mind
BabethMamba
10

Intégrité musicale.

Aujourd'hui je viens défendre Wilder Mind. Aujourd'hui, je viens défendre l'intégrité musicale, et la créativité, que Mumford and Sons, a mit en avant avec Wilder Mind. Oui, il n'y a pas de banjo,...

Par

le 15 juin 2015

3 j'aime

Wilder Mind
chick2murda
7

Correct

Ça s'écoute super bien, mais c'est loin d'être leur meilleur album... J'avais un grand faible pour leur sonorité accoustique et les mélodies accrocheuses des autres albums. Cependant celui-ci est un...

le 20 mai 2015

1 j'aime

Du même critique

Rush
Krokodebil
8

Le bec de lièvre et la tortu(rbo).

Pourquoi aimé-je le cinéma ? On devrait se poser cette question plus souvent. Elle m'est venue à l'esprit très rapidement devant ce film. Avec une réponse possible. J'ai d'ailleurs longtemps pensé...

le 29 sept. 2013

126 j'aime

12

Mister Babadook
Krokodebil
7

Mother, son, wicked ghost.

La cinéma australien au féminin est fécond en portraits de femmes un peu paumées, ou complètement névrosées. Il y a les héroïnes têtues et déterminées de Jane Campion, les monstres effrayants (Animal...

le 31 juil. 2014

102 j'aime

10