UGLY
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UGLY

Album de slowthai (2023)

Ah ben, quand on est lancé dans l'arène de la subtilité, pourquoi donc s'arrêter ? C'est vrai qu'un album aussi subtil que celui-ci, mérite bien qu'on fasse des kilomètres et des kilomètres de rails de cokes et de queues.


Bon, j'arrête avec mes entourloupettes. Mais, je peux pas faire autrement, je veux dire, l'album est tellement dégueulasse et dérangeant dans ses propos, je pensais honnêtement pas que c'était possible de faire pire en terme de paroles que les textes de Death Grips (quand je veux dire "pire", je parle uniquement de la violence des propos, pas de leur qualité).


N'attendez surtout pas de la subtilité en écoutant cet album, si vous êtes un grand appréciateur de la musique de The Caretaker ou de Basinski, c'est-à-dire des albums bien subtils, bien doux et calmes, vous risquez tout simplement de vous écroulez. Car cet album est comme You Won't Get What You Want, c'est une séance de claque dans la gueule à répétition tellement la musique est brutale, violente et dérangeante à chaque instant.


Pour faire simple en terme de thématiques, Ugly explore des thèmes assez communs comme le sexe, la drogue, l'excès, la dépression. . . mais le traitement qu'il en fait est, comme dire, assez efficace.


C'est-à-dire que le point de focalisation de l'esthétique et de l'identité musicale de l'album est le traitement de la voix. Et je pense que j'ai rarement entendu des vocalises aussi dérangeantes que celles-ci. Le chanteur fait tout pour accentuer chaque détails, chaque minuscules inflexions de sa voix, ce qui donne une tonalité profondément erratique, nihiliste et totalement psychotique à cette voix. C'est juste génial, lorsque le chanteur commence à simuler des bruits de respirations, quand y commence à terminer ses notes par des espèces d'inflexions erratiques et rageuses. C'est selon moi le meilleur point de l'album, cette capacité qu'il a de créer un espèce de climat totalement incertain face à ce type qui semble littéralement être en plein bad trip durant l'intégralité de l'album. C'est un putain d'animal bloqué dans sa cage de débauches, et rien que le fait que cet album réussisse à rendre crédible cette idée, ça justifie complètement son statut de chef-d'oeuvre.


Après, évidemment la voix du chanteur est hyper esthétisée, elle est hyper exagéré, et manque peut-être de réalisme, mais c'est justement ce manque de réalisme qui crée ce sentiment de totale incertitude et de constant danger. On est clairement dans une démarche expressionniste, et non pas réaliste.


Ensuite, ce qui fait le charme de cet album, c'est également ses instrumentales et tout le travail derrière le renforcement de l'aspect totalement psychotique du projet. On est sur un style de pop rock, de punk et de rap, qui a selon moi pour but de soutenir la voix, donc de soutenir le climat bestial, psychotique et totalement défoncé de l'album.


Disons que les instruments suivent globalement les différentes inflexions qu'effectue le chanteur, soit en rajoutant des samples en arrière-plan, soit en intensifiant les différents instruments. Ce choix plutôt simple et même traditionnel devient, avec l'association de la voix, beaucoup plus intéressant et vicieux. Il permet d'instaurer une double lecture, comme si finalement la voix était ce que l'on voyait extérieurement de ce type en train de sombrer dans la débauche totale, et la partie instrumentale comme la représentation de sa psyché. Et donc la partie instrumentale suit finalement les différentes variations de la voix du chanteur, c'est-à-dire les moments où il devient complètement taré et les moments où il se calme un peu.


Cette thématique est donc illustrée par des associations volontairement incohérentes, souvent sales et instables, qui peuvent vriller à n'importe quel moment. Et c'est juste génial, cet aspect futile, fluide et en même temps très encré dans le présent et dans l'instantané que véhicule la musique.


Et encore une fois on est sur une démarche purement expressionniste, où tout est décuplé, exagéré, afin de créer un véritable climat à la fois oppressant, violent et complètement distordu.

Cet album, comme pour Mummy And Daddy par exemple, va toujours essayer de gratter notre seuil de tolérance, va toujours essayer de nous titiller dans nos systèmes moraux, dans notre système d'humain, et non pas d'animal. Parce que c'est ça la nature profonde de cet album, c'est sa bestialité, sa rage, son exaltation fictive, destructrice, et profondément nihiliste.


C'est juste une expérience profondément indescriptible que nous offre cet album.

Créée

le 7 mars 2023

Critique lue 159 fois

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Ayllich

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