Transe-lucide
5.7
Transe-lucide

Album de Disiz (2014)

'Transe-lucide' avait tout pour être vraiment parfait et conclure une trilogie marquant le retour en fanfare d'un ancien du rap français: une vraie chanson titre éponyme et son clip dévoilé en plein concert qui ne sera finalement même pas sur l'album ("Transe-lucide"), un bon gros teaser qui tue la gueule mais qui ne sera pas non plus sur l'album ("La Rébellion d'un Coeur/Tetsuo") et même une bonne com' et promotion pour bien faire monter la sauce. Tout ce qu'avait à faire l'artiste était de ne pas trahir la ligne artistique originelle de sa trilogie et tenir le bon cap. Malheureusement pour les adeptes des deux précédentes galettes c'est tout ce que Disiz n'a pas été foutu d'appliquer... Chronique de l'album d'un mec qui a très besoin de remplir son frigo.


"Identité ou oseille, ce n'est que du papier" disait-il dans son 'Extra-lucide' en 2012. Cette époque n'est pas si lointaine mais paraît pourtant tellement ancienne, car avec ce nouveau disque le rappeur veut non seulement faire couler à flots le caramel ("j'ai mérité cet oseille, signe moi mon chèque, motherfucker!") mais trempe aussi dans cet égo-trip matérialiste que lui-même dénonce ("meilleur rappeur du monde j'ai conquis le rap-game, ohhh oui que je rappe bien"). Le parti pris est clair: il faut que le skeud ressemble à 'Poisson Rouge' (son tout premier album et seul gros succès commercial de Disiz en terme de ventes on le rappelle) donc le emcee cherche à plaire à tout le monde et c'est de nouveau le même problème qu'à ses débuts! Tout est calibré, déjà pour séduire les fans de rap racailleux amateurs de singles (les titres "Banlieusard Syndrome", "Rap Genius", "Mc Kissinger", "King of Cool", "Fuck les Problèmes") mais aussi son nouveau public black blanc beurre de la trilogie 'Lucide' ("Spirales", "Echo") au risque de souvent manquer cruellement de cohérence et de trahir les fans d'Extra-lucide' avec des morceaux pré-digérés par les radios sans originalité aucune et aussi convenus au maximum (les horribles étrons "Kamikaze" et "Burn Out", apocalyptique).


Le rappeur retombe donc dans ses travers et les raisons qui faisaient d'Extra-lucide' un album en béton armé (grâce à ses prises de risques et sa cohérence malgré sa perfectibilité) sont les mêmes qui font de 'Transe-lucide' un disque totalement inégal et assez vomitif, tiède et le cul entre deux chaises roulantes. L'album perd forcément en intérêt par rapport au précédent (surtout en tant que fan d'Extra-lucide' — voir ma critique — donc ma déception est totale), pour les gamers qui me lisent l'effet est un peu le même qu'après avoir joué à MGS 4 en ayant un passif de groupie de Kojima, si vous voyez. Le concept tout entier de la trilogie se voit hautement dégradé, le disque soit disant séparé en trois parties distinctes (la terre, l'eau et le ciel représentant le parcours d'une vie et de sa carrière) est biscornu en lui même avec neuf morceaux (sur dix-sept) rien que pour la partie "terre" de l'abum dans laquelle se trouve, très étrangement, la plupart des bouses commerciales. Comme il avait été annoncé tout est contrasté sans aucune nuance, l'homogénéité est inexistante à tous les niveaux. On passe ainsi de morceaux dirty south à de la trap pour ensuite tomber sur de la mauvaise soupe house tout bonnement dégueulasse pour radio. C'est très triste.


L'incohérence n'est pas seulement présente dans le concept et dans la musique (l'éclectisme musical c'est bien… quand c'est fait intelligemment) mais aussi et surtout dans les textes, et on se surprends à voir Disiz le 'sage philosophe sociologue d'Extra-lucide' lécher là où il crache et tomber dans une facilité déconcertante. Il emmerde le rap-game mais prétend en être le king. Ne dit pas être rappeur conscient mais se vante en même temps de l'être en comparaison de Booba ou Kaaris. Prône l'égalité des races et de l'éducation mais fait l'apologie des "racailles et de leurs grosses couilles que d'autres n'ont pas" et connote négativement la 'race blanche' dans "Rap Genius", cet ersatz tout naze du "Rap God" d'Eminem au clip grotesque dans lequel il remue la merde en se justifiant des vieilles casseroles risibles qu'il se trimbale depuis des années alors que tout le monde s'en tape vu qu'il y a prescription (il y casse du journaliste et y parle de son instrumentalisation politique par les socialistes). Autre problème lorsqu'il dit de pas avoir besoin d'intermédiaire et être en contact direct avec son peuple, quand on sait que Disiz a résigné en major depuis 'Extra-lucide' et que son compte youtube est tenu par VEVO (hébergeur tenu par google et les grosses majors de l'industrie du disque) et lui "qui fait du rap for the people, pas pour les journalistes" a choisi 'Le Parisien' pour l'avant-première…


Bon, concrètement notre pauvre Disiz surf sur la belle vague du disque précèdent sans n'avoir plus rien à dire parce que tout son meilleur stuff se trouve sur 'Extra-lucide' (fallait pas faire un double disque et en garder pour celui-là!). Les thèmes ne bougent pas d'un poil, c'est soit inintéressant au possible, soit du déjà-vu (pour le propos de "Banlieusard Syndrome", tournez vous vers Fabe). On a la désagréable impression d'écouter une mauvaise compilation de chansons aux goûts du rappeur. Je reproche à Disiz d'avoir essayé de jouer sur tous les fronts, faire un disque commercial tout en gardant ses fans de 'Lucide' et prenant un concept comme prétexte pour arriver à ses fins. Je lui reproche aussi un gros soucis de cohérence et le soupçonne même de prendre son auditoire pour des pigeons. C'est d'autant plus rageant car le disque contient de bonnes choses comme le morceau "Spirales" ou "Complexité Française" (avec Aaron) et qu'il avait les moyens de sortir LE disque parfait s'il avait prit son temps et mieux travaillé le fond, s'il avait seulement su rester HUMBLE (ce n'est pas trop dans ses habitudes comme chacun le sait). Mais il a choisi la facilité, il a privilégié le Frigo au détriment du Coeur et des Couilles. Dommage.


Lucide : http://www.senscritique.com/album/Lucide_EP/critique/28155902
Extra-lucide : http://www.senscritique.com/album/Extra_lucide/critique/26312071

Smay
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le 2 mars 2014

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