Toast
7.5
Toast

Album de Neil Young et Crazy Horse (2022)

Tartine beurrée et repêchage miraculeux

A la première écoute de Toast, c’est un peu l’incompréhension. Ce n’est certes pas la première fois que Neil Young nous fait le coup (Homegrown il y a 2 ans), mais on se demande clairement comment cet album datant de 2001 a pu rester plus de 20 ans inconnu de tous. La raison officielle serait que, une fois l’enregistrement terminé, Neil l’aurait trouvé trop « triste » et aurait décidé de ne pas le publier. Plutôt étonnant, d’une part parce qu’il ne me semble pas plus triste qu’un autre, mais aussi parce que son auditoire s’est justement toujours délecté de la sublime mélancolie qui égrène son œuvre, alors pourquoi l’en priver. Non, la vraie raison doit être ailleurs et je vais me permettre de l’imaginer. Disons que dans les mois qui ont suivi l’enregistrement avec son fidèle backing-band Crazy Horse, une rencontre a déclenché l’opportunité d’enregistrer un autre album avec Booker T & the MG’s, groupe mythique des années 60 qui accompagnait rien moins qu’Ottis Reeding. Et pour pouvoir saisir cette opportunité, il faut disposer de nouvelles compositions. Alors plutôt que publier Toast, Neil a préféré l’enterrer et y piller quelques titres : Quit, How ya doin’ et Boom Boom Boom qui deviendront respectivement Quit (don’t say you love me), Mr. Disappointment et She’s a Healer. Si pour les deux premiers ma préférence va aux versions originales, il faut reconnaître que le travail de Booker T sur le dernier titre est très réussi, le morceau ayant au passage été écourté. Pour constituer Are You Passionnate qui sortira en 2002, il a fallu ajouter 7 nouveaux titres ainsi que Goin’ Home, lui aussi repêché de Toast mais reconduit dans sa version originale (si puissante que toute tentative de remake par Booker T aurait été indécente).

Revenons à Toast, cet album qui sort de nul part comme un trésor oublié. Quatre des sept morceaux nous sont donc déjà connus et les 3 autres auraient été jugés indignes ou tout au moins pas dans l’esprit pour figurer sur Are You Passionate. Dis comme ça, ça ne sonne pas bien excitant. D’où la surprise à la première écoute.

Quit et How y’a doin : quel ravissement de redécouvrir ces morceaux avec le son du Crazy Horse et la voix de Neil si belle lorsqu’elle est haut perchée (il la pose une octave plus bas avec Booker T dans un esprit crooner).

Standing in the light of Love : morceau inédit, puissant et lumineux, hymne à la manière de Keep on Rocking in a Free World de 89.

Goin’ Home : c’est la version que l’on connaît déjà mais rallongée de presque 3 minutes. Morceau monumental.

Timberline : morceau inédit, énergique, la rythmique country-rock rustique contrastant superbement avec des parties plus éthérées.

Gateway of Love : morceau inédit, composition intéressante avec une rythmique chaloupée et soutenue, sur laquelle Neil s’essaie à des solos hispanisants, rappelant parfois Eldorado.

Boom Boom Boom : morceau connu sous le titre She’s a Healer mais il dure ici 4 minutes de plus, donc 13 au total. Le rythme est un peu plus lent et les parties de guitares plus hésitantes mais il est intéressant d’écouter ce qui peut apparaître comme un joli brouillon, avec des errances un peu jazzy.

Pour finir un mot sur la pochette que je trouve superbe : il s’agit d’une photographie de la façade des Toast studios à San Francisco où l’album a été enregistré, info qui résout l’énigme du nom de l’album. Les lettres du mot Toast à la graphie fine s’associent avec élégance à l’architecture classique de la façade. Classique, c’est finalement le terme qui convient pour définir cet album. Un classique qui s’intègre parfaitement dans la discographie.

Osons le dire, Neil Young a commis une erreur d’appréciation en enterrant cet album de 2001. D’abord parce que Toast méritait d’être publié et aurait été accueilli très positivement dans cette période où les fans attendaient un sursaut dans une discographie qui s’étiolait. Ensuite pour Are You Passionate qui aurait gagné en cohérence s’il n’avait pas été un assemblage de titres aux provenances disparates. Mais la vraie question est peut-être : peut-on réécrire l’histoire ? Celle du rock, oui vraisemblablement. C’est ce qu’évertue à faire Neil Young qui complète sa discographie de façon non linéaire puisqu’il ajoute des nouvelles briques autant qu’il remplit les espaces laissés vacants par le passé. Apparemment, il existerait encore 4 ou 5 projets non aboutis ou non publiés de cet acabit, on peut donc croquer Toast avec gourmandise sans craindre de manquer.

Rage
8
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le 13 juil. 2022

Critique lue 102 fois

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