Thulêan Mysteries
4.4
Thulêan Mysteries

Album de Burzum (2020)

Varg Vikernes toujours bonne techno ? Let's find out !

Morts et renaissances du projet maudit. Après une première mort annoncée en 2000 suite à la publication de Hliðskjálf, puis une reprise assez diversement appréciée avec un Belus en demi-teinte suivi par le très bon Fallen, Varg Vikernes s’est remis au stakhanovisme musical. Après avoir acté la mort de son visage black metal avec le testamentaire From The Depths Of Darkness en 2011, Burzum annonce le chant du cygne, a priori définitif avec l’éthéré The Ways Of Yore en 2014. Pourtant, contre toute attente, Varg Vikernes renoue et rejoue. Un album très longue durée de surcroît. Une heure et demie dans la veine des deux dernières productions. Il est donc difficile de savoir s’il s’agit d’une sortie définitive ou d’un entre-deux avant encore un nouvel album. Mais à cette question, il y a déjà plusieurs pistes.


Car il ne s’agit pas vraiment d’un nouvel album. Présenté comme la bande-originale de son jeu de rôles papier Myfarog, Thulean Mysteries n’a pas été réfléchi comme un album thématique ni visiblement bénéficié de conditions propres à la publication d’une œuvre homogène et riche. Ces dernières années, Varg s’est fait connaître plus pour ses péripéties youtubesques que pour sa musique. Exhibant bien plus son fier 4x4 russe ou ses discours survivalistes que sa guitare, le bougre sortait tout de même des titres de temps à autre. Du folk/ambient minimaliste. Très minimaliste. Et pourquoi pas ? Car après tout ces mêmes titres en boucle officiaient le rôle de fond musical sur ses vidéos au format vlog. Et cet album, c’est justement la compilation de ce genre de créations.


Thulean Mysteries a donc le malheur de cumuler tous les défauts factuels du Burzum dernière époque. Premièrement, une confusion systématique entre plusieurs notions. L’homme ne sait plus s’il doit faire minimaliste ou simpliste, bontempi ou cheapos. Si des titres comme « Tomhet » ou « Rundgang Um Die Transzendentale Säule Der Singularität » dans les années 1990 étaient très simples et joués au synthétiseur playskool, on pouvait tout de même ressentir immédiatement des textures de son prenantes, un don pour repérer les arpèges qui feront mouche et un certain talent pour jouer sur l’effet de répétition : Varg avait une vraie patte. Initiant les versants atmosphériques, voire même dépressifs du black metal, il a aussi apporté sa pierre à l’édification du style Dungeon Synth. Rien que ça.


Ici, il n’en est plus rien. Car il ne reste presque plus rien. La répétition est restée mais le reste a foutu le camp depuis bien trop longtemps. Le résultat n’était déjà plus convaincant sur Sôl Austan, Mâni Vestan mais il restait des arrangements, des automatismes qui pouvaient encore séduire. C’est désormais l’encéphalogramme plat. Varg aligne des suites de notes redondantes en pilote automatique sans se préoccuper ni des textures ni même des sonorités. Les compositions sont à nu, sans fioritures et le plus souvent sur deux pistes, parfois une seule. Pour les connaisseurs en logiciels d’enregistrement et de mixage, c’est les réglages de base sur Garageband. Sans rire. C’est vide. Rien n’y fait. Les quelques tentatives d’y ajouter du spoken word pour la dimension jeu de rôle sont ridicules. Sur « The Land Of Thulê », c'est carrément deux clics de souris qui sont audibles. Rien à foutre. Passons également sur l’une des passions de notre musicien : le recyclage. « The Crying Orc » est une nouvelle fois reprise après l’avoir déjà été sur Hliðskjálf mais en version cette fois-ci cheapos-craignos. « Tomhet » revient également, avec beaucoup moins de génie.


Il reste que l’album n’est pas non plus détestable tant qu’il est mis en musique de fond. Pour travailler, pour lire, un peu à l’instar de ces compilations ambient qui fleurissent sur youtube. Mais nous parlons bien de Burzum... Reste seulement à sauver « The Great Sleep », magnifique pièce de folk éthérée pour laquelle le Norvégien a su trouver le truc qui fait mouche sur un chant cristallin. Nous sommes bien éloignés de Wardruna bien sûr mais l’effort est louable.


Un album-somme bien décevant, vraiment à mille lieues du génie créatif qui a caractérisé Varg Vikernes pendant autant d’années. Même aux oreilles du fan hardcore que je suis, l’ensemble est indigne de l’homme qui a composé Filosofem ou Hvis Lysett Tar Oss. Pourtant, même en m’attendant objectivement au four qu’il allait être, je l’ai écouté plusieurs fois pour être sûr : Varg n’a plus rien à dire.


Publié originairement sur le webzine Horns Up.

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le 8 mars 2021

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